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UNE PAGE D’AMOUR.

qu’un domestique enlevait le plateau. Il faisait presque froid dans la vaste pièce, que six lampes et un lustre à dix bougies éclairaient d’une vive lumière blanche. Des dames étaient déjà là, rangées en cercle devant la cheminée ; il n’y avait que deux ou trois hommes, debout au milieu des jupes étalées. Et, par la porte du salon réséda laissée ouverte, on entendait la voix aiguë de Pauline, restée seule avec le fils Tissot.

— Maintenant que je l’ai versé, vous allez le boire, bien sûr… Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ? Pierre a emporté le plateau.

Puis, on la vit paraître, toute blanche, dans sa robe garnie de cygne. Elle annonça, avec un sourire qui montrait ses dents entre ses lèvres fraîches :

— Voici le beau Malignon.

Les poignées de main et les salutations continuaient. M. Deberle s’était mis près de la porte. Madame Deberle, assise au milieu des dames sur un pouf très-bas, se levait à chaque instant. Quand Malignon se présenta, elle affecta de tourner la tête. Il était très-correctement mis, frisé au petit fer, les cheveux séparés par une raie qui lui descendait jusqu’à la nuque. Sur le seuil, il avait fixé dans son œil droit un monocle, d’une légère grimace, « pleine de chic, » comme le répétait Pauline ; et il promenait un regard autour du salon. Nonchalamment, il serra la main au docteur, sans rien dire, puis s’avança vers madame Deberle devant laquelle il plia sa longue taille, pincée dans son habit noir.

— Ah ! c’est vous, dit-elle de façon à être entendue. Il paraît que vous nagez maintenant.

Il ne comprit pas, mais il répondit tout de même, pour faire de l’esprit :