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LES ROUGON-MACQUART.

abandon charmant, dans la lassitude déjà ensommeillée de la grande pièce. Les portes étaient ouvertes, on apercevait le petit salon vide, la salle à manger vide, tout l’appartement encore éclairé et tombé à un lourd silence. Henri se montrait d’une galanterie tendre pour sa femme ; il venait de monter prendre dans leur chambre son flacon, qu’elle respirait en fermant lentement les yeux ; et il lui demandait si elle ne s’était pas trop fatiguée. Oui, elle éprouvait un peu de fatigue ; mais elle était ravie, tout avait bien marché. Alors, elle raconta que, les soirs où elle recevait, elle ne pouvait s’endormir, elle s’agitait dans son lit jusqu’à six heures du matin. Henri eut un sourire, on plaisanta. Hélène les regardait, et elle frissonnait, dans cet engourdissement du sommeil qui semblait peu à peu prendre la maison entière.

Cependant, il n’y avait plus là que deux personnes. Pierre était allé chercher une voiture. Hélène demeura la dernière. Une heure sonna. Henri, ne se gênant plus, se haussa et souffla deux bougies du lustre qui chauffaient les bobèches. On eût dit un coucher, les lumières éteintes une à une, la pièce se noyant dans une ombre d’alcôve.

— Je vous empêche de vous mettre au lit, balbutia Hélène en se levant brusquement. Renvoyez-moi donc.

Elle était devenue très-rouge, le sang l’étouffait. Ils l’accompagnèrent dans l’antichambre. Mais là, comme il faisait froid, le docteur s’inquiéta pour sa femme, dont le corsage était très-ouvert.

— Rentre, tu prendras du mal… Tu as trop chaud.

— Eh bien ! adieu, dit Juliette, qui embrassa Hélène, comme cela lui arrivait dans ses heures de tendresse. Venez me voir plus souvent.