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Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/263

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UNE PAGE D’AMOUR.

— Qui est-ce ?… qui est-ce ?… répétait-elle, gagnée de plus en plus par le rire.

Puis, comme Rosalie entrait, apportant le déjeuner :

— Tu sais, ne parle pas… On ne te demande rien.

— Finis donc, folle ! dit Hélène. Je me doute bien que c’est toi.

L’enfant se laissa glisser sur les genoux de sa mère, et là, renversée, se balançant, heureuse de son invention, elle continuait d’un air convaincu :

— Dame ! ça aurait pu être une autre petite fille… Hein ? une petite fille qui t’aurait apporté une lettre de sa maman pour t’inviter à dîner… Alors, elle t’aurait bouché les yeux…

— Ne fais pas la bête, reprit Hélène, en la mettant debout. Qu’est-ce que tu racontes ?… Servez-nous, Rosalie.

Mais la bonne examinait la petite, en disant que mademoiselle s’était drôlement attifée. Jeanne, en effet, dans sa hâte, n’avait pas même mis ses souliers. Elle était en jupon, un court jupon de flanelle, dont la fente laissait passer un coin de la chemise. Sa camisole de molleton dégrafée, montrait sa nudité de gamine, une poitrine plate et d’une finesse exquise, où des lignes tremblées s’indiquaient, avec les taches à peine rosées du bout des seins. Et, les cheveux embroussaillés, marchant sur ses bas entrés de travers, elle était adorable ainsi, toute blanche dans ses linges à la diable.

Elle se pencha, se regarda, puis éclata de rire.

— Je suis gentille, maman, vois donc !… Dis, veux-tu ? je vais rester comme ça… C’est gentil !

Hélène, réprimant un geste d’impatience, posa la question de tous les matins :

— Est-ce que tu es débarbouillée ?