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UNE PAGE D’AMOUR.

dans une enfilade de trois petites pièces d’une nudité et d’une saleté horribles. Les papiers arrachés pendaient, les plafonds étaient noirs, des plâtras traînaient sur les carreaux défoncés. Une odeur de misère ancienne suintait.

— Pas par là, pas par là ! criait la mère Fétu. D’ordinaire, cette porte est fermée pourtant… Ce sont les autres chambres, celles qu’il n’a point fait arranger. Dame ! ça lui avait déjà coûté assez cher… Ah ! c’est moins joli, bien sûr… Par ici, ma bonne dame, par ici…

Et, lorsque Hélène repassa dans le boudoir aux tentures roses, elle l’arrêta pour lui baiser la main de nouveau.

— Allez, je ne suis pas ingrate… Je me souviendrai toujours de ces souliers-là. C’est qu’ils me vont, et qu’ils sont chauds, et que je marcherais trois lieues avec !… Qu’est-ce que je pourrais donc demander au bon Dieu pour vous ? Ô mon Dieu, entendez-moi, faites qu’elle soit la plus heureuse des femmes ! Vous qui lisez dans mon cœur, vous savez ce que je lui souhaite. Au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit, ainsi soit-il !

Une exaltation dévote l’avait subitement prise, elle multipliait les signes de croix, elle envoyait des génuflexions au grand lit et à la veilleuse de cristal. Puis, ouvrant la porte qui donnait sur le palier, elle ajouta à l’oreille d’Hélène, d’une voix changée :

— Quand vous voudrez, frappez à la cuisine : j’y suis toujours.

Hélène, étourdie, regardant derrière elle comme si elle sortait d’un lieu suspect, descendit l’escalier, remonta le passage des Eaux, se retrouva rue Vineuse, sans avoir conscience du chemin parcouru. Là seu-