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UNE PAGE D’AMOUR.

elle songeait à madame de Chermette, qui avait un amant. Mon Dieu ! c’était drôle tout de même.

— Voyons votre installation, reprit-elle.

Et elle fit le tour de la pièce. Il la suivait, réfléchissant qu’il aurait dû l’embrasser tout de suite ; maintenant, il ne pouvait plus, il devait attendre. Pourtant, elle regardait les meubles, examinait les murs, levait la tête, se reculait, tout en parlant.

— Je n’aime guère votre cretonne. Elle est d’un commun ! Où avez-vous trouvé ce rose abominable ?… Tiens, voilà une chaise qui serait gentille, si le bois n’était pas si doré… Et pas un tableau, pas un bibelot ; rien que votre lustre et vos candélabres qui manquent de style… Ah bien ! mon cher, je vous conseille de vous moquer encore de mon pavillon japonais !

Elle riait, elle se vengeait de ses anciennes attaques, dont elle lui avait toujours tenu rancune.

— Il est joli votre goût, parlons-en !… Mais vous ne savez pas que mon magot vaut mieux que tout votre mobilier !… Un commis de nouveautés n’aurait pas voulu de ce rose-là. Vous avez donc fait le rêve de séduire votre blanchisseuse ?

Malignon, très-vexé, ne répondait rien. Il essayait de la conduire dans la chambre. Elle resta sur le seuil, en disant qu’elle n’entrait pas dans les endroits où il faisait si noir. D’ailleurs, elle voyait suffisamment, la chambre valait le salon. Tout ça sortait du faubourg Saint-Antoine. Et ce fut surtout la suspension qui l’égaya. Elle fut impitoyable, elle revenait sans cesse à cette veilleuse de camelotte, le rêve des petites ouvrières qui ne sont pas dans leurs meubles. On trouvait des suspensions pareilles dans tous les bazars pour sept francs cinquante.