Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
300
LES ROUGON-MACQUART.

le récite comme une pensionnaire qui a préparé un compliment… Je suis très-inquiète.

— Et madame de Guiraud ? demanda-t-il, en rapprochant sa chaise et en lui prenant la main.

— Oh ! elle est parfaite… J’ai déniché là une excellente madame de Léry, qui aura du mordant, de la verve…

Elle lui abandonnait sa main qu’il baisait entre deux phrases, sans qu’elle parût s’en apercevoir.

— Mais le pis, voyez-vous, disait-elle, c’est que vous ne soyez pas là. D’abord, vous feriez des observations à madame Berthier ; ensuite, il est impossible que nous arrivions à un bon ensemble, si vous ne venez jamais.

Il avait réussi à lui poser un bras derrière la taille.

— Du moment où je sais mon rôle…, murmura-t-il.

— Oui, c’est très-bien ; seulement, il y a la mise en scène à régler… Vous n’êtes guère gentil, de ne pas nous consacrer trois ou quatre matinées.

Elle ne put continuer, il lui mettait une pluie de baisers sur le cou. Alors, elle dut remarquer qu’il la tenait dans ses bras, elle le repoussa, en le souffletant légèrement avec l’écran chinois qu’elle avait gardé. Sans doute elle s’était juré de ne pas le laisser aller plus loin. Son visage blanc rougissait sous l’ardent reflet du feu, ses lèvres s’amincissaient dans la moue d’une curieuse que ses sensations étonnent. Vraiment, ce n’était que cela ! Il aurait fallu voir jusqu’au bout ; et une peur la prenait.

— Laissez-moi, balbutia-t-elle en souriant d’un air contraint, je vais encore me fâcher…