Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
334
LES ROUGON-MACQUART.

Elle ne désirait qu’une chose, être dans le noir pour rouvrir les yeux et sentir son mal, sans que personne la regardât. Quand la lampe ne fut plus là, elle ouvrit les yeux tout grands.

Cependant, à côté, dans la chambre, Hélène marchait. Un singulier besoin de mouvement la tenait debout, la pensée de se coucher lui était insupportable. Elle regarda la pendule ; neuf heures moins vingt, qu’allait-elle faire ? Elle fouilla dans un tiroir, ne se souvint plus de ce qu’elle cherchait. Puis, elle s’approcha de la bibliothèque, jeta un coup d’œil sur les livres, sans se décider, ennuyée par la seule lecture des titres. Le silence de la chambre bourdonnait à ses oreilles ; cette solitude, cet air lourd lui devenaient une souffrance. Elle aurait souhaité du bruit, du monde, quelque chose qui la tirât d’elle-même. À deux reprises, elle écouta à la porte de la petite pièce où Jeanne ne mettait pas un souffle. Tout dormait, elle tourna encore, déplaçant et replaçant les objets qui lui tombaient sous la main. Mais elle eut une pensée brusque, elle songeait que Zéphyrin devait être encore avec Rosalie. Alors, soulagée, heureuse à l’idée de n’être plus seule, elle se dirigea vers la cuisine, en traînant ses pantoufles.

Comme elle était dans l’antichambre et qu’elle poussait déjà la porte vitrée du petit couloir, elle surprit le claquement sonore d’un soufflet lancé à toute volée. La voix de Rosalie criait :

— Hein ! tu me pinceras encore, peut-être !… À bas les pattes !

Tandis que Zéphyrin murmurait en grasseyant :

— Ça ne fait rien, ma belle, c’est comme je t’aime… Et ça y est…

Mais la porte avait craqué. Lorsque Hélène entra,