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LES ROUGON-MACQUART.

tête d’un air satisfait en voyant la paix de son sommeil. Puis, ils partirent sur la pointe des pieds ; et, dans l’antichambre, baissant la voix :

— À mardi.

— J’oubliais, murmura l’abbé qui remonta deux marches. La mère Fétu est malade. Vous devriez aller la voir.

— J’irai demain, répondit Hélène.

L’abbé l’envoyait volontiers chez ses pauvres. Ils avaient ensemble toutes sortes de conversations à voix basse, des affaires à eux, sur lesquelles ils s’entendaient à demi-mot, et dont ils ne parlaient jamais devant le monde. Le lendemain, Hélène sortit seule ; elle évitait d’emmener Jeanne, depuis que l’enfant était restée deux jours frissonnante, au retour d’une visite de charité chez un vieillard paralytique. Dehors, elle suivit la rue Vineuse, prit la rue Raynouard et s’engagea dans le passage des Eaux, un étrange escalier étranglé entre les murs des jardins voisins, une ruelle escarpée qui descend sur le quai, des hauteurs de Passy. Au bas de cette pente, dans une maison délabrée, la mère Fétu habitait une mansarde, éclairée par une lucarne ronde, et qu’un misérable lit, une table boiteuse et une chaise dépaillée emplissaient.

— Ah ! ma bonne dame, ma bonne dame…, se mit-elle à geindre, lorsqu’elle vit entrer Hélène.

La mère Fétu était couchée. Toute ronde malgré sa misère, comme enflée et la face bouffie, elle ramenait de ses mains gourdes le lambeau de drap qui la couvrait. Elle avait de petits yeux fins, une voix pleurarde, une humilité bruyante qu’elle traduisait par un flot de paroles.

— Ah ! ma bonne dame, je vous remercie !… Oh ! là, là, que je souffre ! C’est comme si des chiens me