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Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/35

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UNE PAGE D’AMOUR.

mangeaient le côté… Oh ! bien sûr, j’ai une bête dans le ventre. Tenez, c’est là, vous voyez. La peau n’est pas entamée, le mal est dedans… Oh ! là, là, ça ne cesse pas depuis deux jours. S’il est possible, bon Dieu ! de tant souffrir… Ah ! ma bonne dame, merci ! Vous n’oubliez pas le pauvre monde. Ça vous sera compté, oui, ça vous sera compté…

Hélène s’était assise. Puis, apercevant un pot de tisane fumant sur la table, elle emplit une tasse qui était à côté, et la tendit à la malade. Près du pot, il y avait un paquet de sucre, deux oranges, d’autres douceurs.

— On est venu vous voir ? demanda-t-elle.

— Oui, oui, une petite dame. Mais ça ne sait pas… Ce n’est pas de tout ça qu’il me faudrait. Ah ! si j’avais un peu de viande ! La voisine mettrait le pot au feu… La, la, ça me pince plus fort. Vrai, on dirait un chien… Ah ! si j’avais un peu de bouillon…

Et, malgré les souffrances qui la tordaient, elle suivait de ses yeux fins Hélène, occupée à fouiller dans sa poche. Quand elle lui vit poser sur la table une pièce de dix francs, elle se lamenta davantage, avec des efforts pour s’asseoir. Tout en se débattant, elle allongea le bras, la pièce disparut, pendant qu’elle répétait :

— Mon Dieu ! c’est encore une crise. Non, je ne puis plus durer comme ça… Dieu vous le rendra, ma bonne dame. Je lui dirai qu’il vous le rende… Tenez, ce sont des élancements qui me traversent tout le corps… Monsieur l’abbé m’avait bien promis que vous viendriez. Il n’y a que vous pour savoir faire. Je vais acheter un peu de viande… Voilà que ça me descend dans les cuisses. Aidez-moi, je ne peux plus, je ne peux plus…