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UNE PAGE D’AMOUR.

— On a sonné, ce doit être lui, dit Pauline tout d’un coup.

Les deux sœurs prirent un air indifférent. Ce fut Malignon qui se présenta, plus correct encore que de coutume, avec une pointe de gravité. Il serra les mains qui se tendaient vers lui ; mais il évita ses plaisanteries habituelles, il rentrait en cérémonie dans la maison où il n’avait plus paru depuis quelque temps. Pendant que le docteur et Pauline se plaignaient de la rareté de ses visites, Juliette se pencha à l’oreille d’Hélène, qui, malgré sa souveraine indifférence, restait surprise.

— Hein ? cela vous étonne ?… Mon Dieu ! je ne lui en veux pas. Au fond, il est si bon garçon qu’on ne peut rester fâché… Imaginez-vous qu’il a déterré un mari pour Pauline. C’est gentil, vous ne trouvez pas ?

— Sans doute, murmura Hélène par complaisance.

— Oui, un de ses amis, très-riche, qui ne songeait pas du tout à se marier, et qu’il a juré de nous amener… Nous l’attendions aujourd’hui pour avoir la réponse définitive… Alors, vous comprenez, j’ai dû passer par-dessus bien des choses. Oh ! il n’y a plus de danger, nous nous connaissons maintenant.

Elle eut un joli rire, rougit un peu au souvenir qu’elle évoquait ; puis, elle s’empara vivement de Malignon. Hélène souriait également. Ces facilités de l’existence l’excusaient elle-même. On avait bien tort de rêver des drames noirs, tout se dénouait avec une bonhomie charmante. Mais, pendant qu’elle goûtait ainsi un lâche bonheur à se dire que rien n’était défendu, Juliette et Pauline venaient d’ouvrir la porte du pavillon et d’entraîner Malignon dans le jardin. Tout d’un coup, elle entendit, derrière sa nuque, la voix d’Henri, basse et ardente :