Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
353
UNE PAGE D’AMOUR.

Puis, il avertit Hélène qu’elle allait perdre un de ses gants. Elle le remercia. Dans le jardin, on entendait la voix de Pauline qui plaisantait ; elle se penchait vers Malignon, lui chuchotait des mots entrecoupés, et éclatait de rire, lorsqu’il lui répondait également à l’oreille. Sans doute il lui faisait des confidences sur le futur. Par la porte du pavillon laissée ouverte, Hélène respirait l’air froid avec délices.

C’était à ce moment, dans la chambre, que Jeanne et M. Rambaud se taisaient, engourdis par la grosse chaleur du brasier. L’enfant sortit de ce long silence, en demandant tout d’un coup, comme si cette demande eût été la conclusion de sa rêverie :

— Veux-tu que nous allions à la cuisine ?… Nous verrons si nous n’apercevons pas maman.

— Je veux bien, répondit M. Rambaud.

Elle était plus forte, ce jour-là. Elle vint, sans être soutenue, appuyer son visage à une vitre. M. Rambaud, lui aussi, regardait dans le jardin. Il n’y avait pas de feuilles, on distinguait nettement l’intérieur du pavillon japonais, par les grandes glaces claires. Rosalie, en train de soigner un pot-au-feu, traita mademoiselle de curieuse. Mais l’enfant avait reconnu la robe de sa mère ; et elle la montrait, elle s’écrasait la face contre la vitre, pour mieux voir. Cependant, Pauline levait la tête, faisait des signes. Hélène parut, appela de la main.

— On vous a aperçue, mademoiselle, répétait la cuisinière. On vous dit de descendre.

Il fallut que M. Rambaud ouvrît la fenêtre. On le priait d’amener Jeanne, tout le monde la demandait. Jeanne s’était sauvée dans la chambre, refusant violemment, accusant son bon ami d’avoir fait exprès de taper contre la vitre. Elle aimait bien regarder sa