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LES ROUGON-MACQUART.

mère, mais elle ne voulait plus aller dans cette maison-là ; et, à toutes les questions suppliantes que lui adressait M. Rambaud, elle lui répondait par son terrible « parce que », qui expliquait tout.

— Ce n’est pas toi qui devrais me forcer, dit-elle enfin, d’un air sombre.

Mais il lui répétait qu’elle causerait beaucoup de peine à sa mère, qu’on ne pouvait pas faire des sottises aux gens. Il la couvrirait bien, elle n’aurait pas froid ; et, en parlant, il nouait le châle autour de sa taille, il ôtait le foulard qu’elle avait sur la tête, pour la coiffer d’une petite capeline en tricot. Quand elle fut prête, elle protesta encore. Enfin, elle se laissa emmener, à la condition qu’il la remonterait tout de suite, si elle se sentait trop malade. La concierge leur ouvrit la porte de communication, on les accueillit dans le jardin par des exclamations joyeuses. Madame Deberle surtout témoigna beaucoup d’affection à Jeanne ; elle l’installa dans un fauteuil, près de la bouche de chaleur, voulut qu’on fermât tout de suite les glaces, en faisant remarquer que l’air était un peu vif pour la chère enfant. Malignon était parti. Et, comme Hélène rentrait les cheveux ébouriffés de la petite, un peu honteuse de la voir ainsi chez le monde, emmaillotée dans un châle et coiffée d’une capeline, Juliette s’écria :

— Laissez donc ! est-ce que nous ne sommes pas en famille ?… Cette pauvre Jeanne ! elle nous manquait.

Elle sonna, elle demanda si mademoiselle Smithson et Lucien n’étaient pas rentrés de leur promenade quotidienne. Ils n’étaient pas rentrés. D’ailleurs, Lucien devenait impossible, il avait fait pleurer la veille les cinq demoiselles Levasseur.

— Voulez-vous que nous jouions à pigeon vole ? de-