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LES ROUGON-MACQUART.

— Comment, tu ne m’as pas dit ?… Tu as refusé carrément, en m’expliquant que tu ne pouvais quitter tes malades.

Jeanne écoutait. Une grande ride coupait son front pur, pendant que, machinalement, elle tordait ses doigts, les uns après les autres.

— Oh ! mes malades, reprit le médecin, pour quelques semaines, je les confierais bien à un confrère… Si je croyais te faire un si grand plaisir…

— Docteur, interrompit Hélène, est-ce que vous êtes aussi d’avis qu’un pareil voyage serait bon pour Jeanne ?

— Excellent, cela la remettrait complétement sur pied… Les enfants se trouvent toujours bien d’un voyage.

— Alors, s’écria Juliette, nous emmenons Lucien, nous partons tous ensemble… Veux-tu ?

— Mais, sans doute, je veux tout ce que tu voudras, répondit-il avec un sourire.

Jeanne, baissant la tête, essuya deux grosses larmes de colère et de douleur qui lui brûlaient les yeux. Et elle se laissa aller au fond du fauteuil, comme pour ne plus entendre et ne plus voir, pendant que madame Deberle, ravie de cette distraction inespérée qui se présentait à elle, éclatait en paroles bruyantes. Oh ! que son mari était gentil ! Elle l’embrassa pour la peine. Tout de suite elle causa des préparatifs. On partirait la semaine suivante. Mon Dieu ! jamais elle n’aurait le temps de tout apprêter ! Puis, elle voulut tracer un itinéraire ; il fallait passer par là ; on resterait huit jours à Rome, on s’arrêterait dans un petit pays charmant dont madame de Guiraud lui avait parlé ; et elle finit par se disputer avec Pauline, qui demandait qu’on retardât le voyage, pour en être avec son mari.