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UNE PAGE D’AMOUR.

manda Pauline, que l’idée de son prochain mariage affolait. Ce n’est pas fatigant.

Mais Jeanne refusa d’un signe de tête. Longuement, entre ses cils baissés, elle promenait son regard sur les personnes qui l’entouraient. Le docteur venait d’apprendre à M. Rambaud que sa protégée était enfin admise aux Incurables, et celui-ci, très-ému, lui serrait les mains, comme s’il avait reçu un grand bienfait personnel. Chacun s’allongea dans un fauteuil, la conversation prit une intimité charmante. Les voix se ralentissaient, des silences se faisaient par moments. Comme madame Deberle et sa sœur causaient ensemble, Hélène dit aux deux hommes :

— Le docteur Bodin nous a conseillé un voyage en Italie.

— Ah ! c’est pour cela que Jeanne m’a questionné ! s’écria M. Rambaud. Ça te ferait donc plaisir d’aller là-bas ?

L’enfant, sans répondre, mit ses deux petites mains sur sa poitrine, tandis que sa face grise s’illuminait. Son regard s’était coulé vers le docteur, avec crainte ; car elle avait compris que sa mère le consultait. Il avait eu un léger tressaillement, il restait très-froid. Mais, brusquement, Juliette se jeta dans la conversation, voulant comme d’habitude être à tous les sujets.

— De quoi ? vous parlez de l’Italie ?… Est-ce que vous ne disiez pas que vous partez pour l’Italie !… Ah bien ! la rencontre est drôle ! Justement, ce matin, je tourmentais Henri pour qu’il me menât à Naples… Imaginez-vous que, depuis dix ans, je rêve de voir Naples. Tous les printemps, il me promet, puis il ne tient pas sa parole.

— Je ne t’ai pas dit que je ne voulais pas, murmura le docteur.