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UNE PAGE D’AMOUR.

— Sans doute, sans doute, répétait le docteur Deberle, dont les oreilles bourdonnaient.

Le vieux médecin, tranquillisé, affecta d’être perplexe, d’hésiter sur le diagnostic. Baissant la voix, il discutait les symptômes avec des expressions techniques qu’il interrompait et terminait par un clignement d’yeux. Il y avait une toux sans expectoration, un abattement très-grand, une forte fièvre. Peut-être avait-on affaire à une fièvre typhoïde. Cependant, il ne se prononçait pas, la névrose chloro-anémique, pour laquelle on soignait la malade depuis si longtemps, lui faisait redouter des complications imprévues.

— Qu’en pensez-vous ? demandait-il après chaque phrase.

Le docteur Deberle répondait par des gestes évasifs. Pendant que son confrère parlait, il se sentait peu à peu honteux d’être là. Pourquoi était-il monté ?

— Je lui ai posé deux vésicatoires, continua le vieux médecin. J’attends, que voulez-vous !… Mais vous allez la voir. Vous vous prononcerez ensuite.

Et il l’emmena dans la chambre. Henri entra, frissonnant. La chambre était très-faiblement éclairée par une lampe. Il se rappelait d’autres nuits pareilles, la même odeur chaude, le même air étouffé et recueilli, avec des enfoncements d’ombre où dormaient les meubles et les tentures. Mais personne ne vint à sa rencontre, les mains tendues, comme autrefois. M. Rambaud, accablé dans un fauteuil, semblait sommeiller. Hélène, debout devant le lit, en peignoir blanc, ne se retourna pas ; et cette figure pâle lui parut très-grande. Alors, pendant une minute, il examina Jeanne. Sa faiblesse était si grande, qu’elle n’ouvrait plus les yeux sans fatigue. Baignée de