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LES ROUGON-MACQUART.

tête sur le traversin, ses petits yeux à demi clos, le docteur souriait à Hélène, qui restait très-gênée.

— Mère Fétu, murmura-t-elle, je vous apportais un peu de linge…

— Merci, merci, Dieu vous le rendra… C’est comme ce cher monsieur, il fait plus de bien au pauvre monde que tous les gens dont c’est le métier. Vous ne savez pas qu’il m’a soignée pendant quatre mois ; et des médicaments, et du bouillon, et du vin. On n’en trouve pas beaucoup des riches comme ça, si honnêtes avec un chacun. Encore un ange du bon Dieu… Oh ! la, la, c’est une vraie maison que j’ai dans le ventre…

À son tour, le docteur parut embarrassé. Il se leva, voulut donner sa chaise à Hélène. Mais celle-ci, bien qu’elle fût venue avec le projet de passer là un quart d’heure, refusa en disant :

— Merci, monsieur, je suis très-pressée.

Cependant, la mère Fétu, tout en continuant à rouler la tête, venait d’allonger le bras, et le paquet de linge avait disparu au fond du lit. Puis, elle continua :

— Ah ! on peut bien dire que vous faites la paire… Je dis ça, sans vouloir vous offenser, parce que c’est vrai… Qui a vu l’un a vu l’autre. Les braves gens se comprennent… Mon Dieu ! donnez-moi la main, que je me retourne !… Oui, oui, ils se comprennent…

— Au revoir, mère Fétu, dit Hélène, qui laissa la place au docteur. Je ne crois pas que je passerai demain.

Pourtant, elle monta encore le jour suivant. La vieille femme sommeillait. Dès qu’elle s’éveilla et qu’elle la reconnut, tout en noir, sur la chaise, elle cria :

— Il est venu… Vrai, je ne sais pas ce qu’il m’a fait prendre, je suis raide comme un bâton… Ah !