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LES ROUGON-MACQUART.

— Oui, quand elle est chez les autres, répondit Hélène. Elle a des heures terribles. Mais comme elle m’adore, elle tâche d’être sage pour ne pas me faire de la peine.

Ces dames causèrent des enfants. Les filles étaient plus précoces que les garçons. Pourtant, il ne fallait pas se fier à l’air bêta de Lucien. Avant un an, lorsqu’il se serait un peu débrouillé, ce serait un gaillard. Et, sans transition apparente, on en vint à parler d’une femme qui habitait un petit pavillon en face, et chez laquelle il se passait vraiment des choses… Madame Deberle s’arrêta pour dire à sa sœur :

— Pauline, va donc une minute dans le jardin.

La jeune fille sortit tranquillement et resta sous les arbres. Elle était habituée à ce qu’on la mît dehors, chaque fois que dans la conversation se présentait quelque chose de trop gros dont on ne pouvait parler devant elle.

— Hier, j’étais à la fenêtre, reprit Juliette, et j’ai parfaitement vu cette femme… Elle ne tire pas même les rideaux… C’est d’une indécence ! Des enfants pourraient voir ça.

Elle parlait tout bas, l’air scandalisé, avec un mince sourire dans le coin des lèvres pourtant. Puis, haussant la voix, elle cria :

— Pauline, tu peux revenir.

Sous les arbres, Pauline regardait en l’air, d’un air indifférent, en attendant que sa sœur eût fini. Elle entra dans le pavillon, et reprit sa chaise, pendant que Juliette continuait, en s’adressant à Hélène :

— Vous n’avez jamais rien aperçu, vous, madame ?

— Non, répondit celle-ci, mes fenêtres ne donnent pas sur le pavillon.

Bien qu’il y eût une lacune pour la jeune fille dans