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UNE PAGE D’AMOUR.

la conversation, elle écoutait, avec son blanc visage de vierge, comme si elle avait compris.

— Ah bien ! dit-elle en regardant encore en l’air par la porte, il y a joliment des nids dans les arbres !

Cependant, madame Deberle avait repris sa broderie comme maintien. Elle faisait deux points toutes les minutes. Hélène, qui ne pouvait rester inoccupée, demanda la permission d’apporter de l’ouvrage, une autre fois. Et, prise d’un léger ennui, elle se tourna, elle examina le pavillon japonais. Les murs et le plafond étaient tendus d’étoffes brochées d’or, avec des vols de grues qui s’envolaient, des papillons et des fleurs éclatantes, des paysages où des barques bleues nageaient sur des fleuves jaunes. Il y avait des siéges et des jardinières de bois de fer, sur le sol des nattes fines, et, encombrant des meubles de laque, tout un monde de bibelots, petits bronzes, petites potiches, jouets étranges bariolés de couleurs vives. Au fond, un grand magot en porcelaine de Saxe, les jambes pliées, le ventre nu et débordant, éclatait d’une gaieté énorme en branlant furieusement la tête, à la moindre poussée.

— Hein ? est-il assez laid ! s’écria Pauline qui avait suivi les regards d’Hélène. Dis donc, sœur, tu sais que c’est de la camelote, tout ce que tu as acheté ? Le beau Malignon appelle ta japonerie « le bazar à treize sous »… À propos, je l’ai rencontré, le beau Malignon. Il était avec une dame, oh ! une dame, la petite Florence, des Variétés.

— Où donc ? que je le taquine ! demanda vivement Juliette.

— Sur le boulevard… Est-ce qu’il ne doit pas venir, aujourd’hui ?

Mais elle ne reçut pas de réponse. Ces dames s’in-