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LES ROUGON-MACQUART.

sés, s’étaient avancés sous les arbres. Malignon trouvait cette dame très-courageuse. Madame Deberle dit d’un air effrayé :

— Le cœur me tournerait, c’est certain.

Hélène entendit, car elle jeta ces mots, du milieu des branches :

— Oh ! moi, j’ai le cœur solide !… Allez, allez donc, monsieur Rambaud.

Et, en effet, sa voix restait calme. Elle semblait ne pas se soucier des deux hommes qui étaient là. Ils ne comptaient pas sans doute. Sa natte s’était échevelée ; la ficelle devait se relâcher, et ses jupons avaient des bruits de drapeau. Elle montait.

Mais, tout d’un coup, elle cria :

— Assez, monsieur Rambaud, assez !

Le docteur Deberle venait de paraître sur le perron. Il s’approcha, embrassa tendrement sa femme, souleva Lucien et le baisa au front. Puis, il regarda Hélène en souriant.

— Assez, assez ! continuait à dire celle-ci.

— Pourquoi donc ? demanda-t-il. Je vous dérange ?

Elle ne répondit pas. Elle était devenue grave. La balançoire, lancée à toute volée, ne s’arrêtait point ; elle gardait de longues oscillations régulières qui enlevaient encore Hélène très-haut. Et le docteur, surpris et charmé, l’admirait, tant elle était superbe, grande et forte, avec sa pureté de statue antique, ainsi balancée mollement, dans le soleil printanier. Mais elle paraissait irritée ; et, brusquement, elle sauta.

— Attendez ! attendez ! criait tout le monde.

Hélène avait poussé une plainte sourde. Elle était tombée sur le gravier d’une allée, et elle ne put se relever.