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LES ROUGON-MACQUART.

certes, elle aimait son enfant. N’était-ce point assez, ce grand amour qui avait empli sa vie jusque-là ? Cet amour devait lui suffire, avec sa douceur et son calme, son éternité qu’aucune lassitude ne pouvait rompre. Et elle serrait davantage sa fille, comme pour écarter des pensées qui menaçaient de la séparer d’elle. Cependant, Jeanne s’abandonnait à cette aubaine de baisers. Les yeux humides, elle se caressait elle-même contre l’épaule de sa mère, avec un mouvement câlin de son cou délicat. Puis, elle lui passa un bras à la taille, elle resta là, bien sage, la joue appuyée sur son sein. Entre elles, les giroflées mettaient leur parfum.

Longtemps, elles ne parlèrent pas. Jeanne, sans bouger, demanda enfin à voix basse :

— Maman, tu vois, là-bas, près de la rivière, ce dôme qui est tout rose… Qu’est-ce donc ?

C’était le dôme de l’Institut. Hélène, un instant, regarda, parut se consulter. Et, doucement :

— Je ne sais pas, mon enfant.

La petite se contenta de cette réponse, le silence recommença. Mais elle posa bientôt une autre question.

— Et là, tout près, ces beaux arbres ? reprit-elle, en montrant du doigt une échappée du jardin des Tuileries.

— Ces beaux arbres ? murmura la mère. À gauche, n’est-ce pas ?… Je ne sais pas, mon enfant.

— Ah ! dit Jeanne.

Puis, après une courte rêverie, elle ajouta, avec une moue grave :

— Nous ne savons rien.

Elles ne savaient rien de Paris, en effet. Depuis