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UNE PAGE D’AMOUR.

— Oh ! dit-elle simplement.

Et, de surprise, elle lâcha son panier. Les provisions roulèrent sur le tapis, les choux-fleurs, des oignons, des pommes. Jeanne, enchantée, poussa un cri et se jeta par terre, au milieu de la chambre, courant après les pommes, jusque sous les fauteuils et l’armoire à glace. Cependant, Rosalie, toujours paralysée, ne bougeait pas, répétait :

— Comment ! c’est toi !… Qu’est-ce que tu fais là, dis ? Qu’est-ce que tu fais là ?

Elle se tourna vers Hélène et demanda :

— C’est donc vous qui l’avez laissé entrer ?

Zéphyrin ne parlait pas, se contentait de cligner les paupières d’un air malin. Alors, des larmes d’attendrissement montèrent aux yeux de Rosalie, et pour témoigner sa joie de le revoir, elle ne trouva rien de mieux que de se moquer de lui.

— Ah ! va, reprit-elle, en s’approchant, t’es joli, t’es propre, avec cet habit-là !… J’aurais pu passer à côté de toi, je n’aurais pas seulement dit : Dieu te bénisse !… Comme te voilà fait ! T’as l’air d’avoir ta guérite sur ton dos. Et ils t’ont joliment rasé la tête, tu ressembles au caniche du sacristain… Bon Dieu ! que t’es laid, que t’es laid !

Zéphyrin, vexé, se décida à ouvrir la bouche.

— Ce n’est pas ma faute, bien sûr… Si on t’envoyait au régiment, nous verrions un peu.

Ils avaient complètement oublié où ils se trouvaient, et la chambre, et Hélène, et Jeanne, qui continuait à ramasser les pommes. La bonne s’était plantée debout devant le petit soldat, les mains nouées sur son tablier.

— Alors, tout va bien là-bas ? demanda-t-elle.

— Mais oui, sauf que la vache des Guignard est