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UNE PAGE D’AMOUR.

Le docteur cependant, de ses longs doigts souples, opérait des pressions légères au bas du col. L’intensité de l’accès diminua. Jeanne, après quelques mouvements ralentis, resta inerte. Elle était retombée au milieu du lit, le corps allongé, les bras étendus, la tête soutenue par l’oreiller et penchée sur la poitrine. On aurait dit un Christ enfant. Hélène se courba et la baisa longuement au front.

— Est-ce fini ? dit-elle à demi-voix. Croyez-vous à d’autres accès ?

Il fit un geste évasif. Puis, il répondit :

— En tout cas, les autres seront moins violents.

Il avait demandé à Rosalie un verre et une carafe. Il emplit le verre à moitié, prit deux nouveaux flacons, compta des gouttes, et, avec l’aide d’Hélène, qui soulevait la tête de l’enfant, il introduisit entre les dents serrées une cuillerée de cette potion. La lampe brûlait très-haute, avec sa flamme blanche, éclairant le désordre de la chambre, où les meubles étaient culbutés. Les vêtements qu’Hélène jetait sur le dossier d’un fauteuil en se couchant, avaient glissé à terre et barraient le tapis. Le docteur, ayant marché sur un corset, le ramassa pour ne plus le rencontrer sous ses pieds. Une odeur de verveine montait du lit défait et de ces linges épars. C’était toute l’intimité d’une femme violemment étalée. Le docteur alla lui-même chercher la cuvette, trempa un linge, l’appliqua sur les tempes de Jeanne.

— Madame, vous allez prendre froid, dit Rosalie qui grelottait. On pourrait peut-être fermer la fenêtre… L’air est trop vif.

— Non, non, cria Hélène, laissez la fenêtre ouverte… N’est-ce pas, monsieur ?

De petits souffles de vent entraient, soulevant les