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Page:Encyclopédie méthodique - Amusements.djvu/12

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A.

ABEILLES. On sait que l’Abeille femelle est la reine & fait le destin, en quelque sorte, de chaque ruche. Le caractère de cette mere abeille, est d’avoir les ailes très-courtes. Elle a le vol difficile : aussi ne lui arrive-t-il guères de voler que lorsqu'elle sort d’une ruche pour aller établir sa colonie. Toutes les abeilles la suivent en sujets fidèles, au lieu qu’elle a choisi. Lors donc qu'on peut saisir la reine abeille, on est sûr de diriger l’essaim à son gré. Il s’agit de retenir cette abeille avec un crin ou une soie qu’on lui passe délicatement autour du corselet, & les mouches attentives à ses actions, vont & viennent, l'environnent, s'arrêtent, & semblent obéir aux volontés de celui qui commande à la mere-abeille, en ne suivant en effet que les mouvemens de leur reine.

C’étoit le sortilège ou plutôt le secret de M. Wildman, de Plimouth, habile physicien, qui avoit étudié l’instinct des abeilles, & qui profitoit de leur attachement pour leur reine, dont il se rendoit maître quand il vouloit faìre passer un essaim d'une ruche garnie, dans une autre qui ne l'étoit pas. Bien sûr de ses procédés, ce naturaliste Anglais se présenta un jour à la société des arts, à Londres, avec trois essaims d’abeilles qu’il avoit apportées avec lui, partie sur son visage & sur ses épaules ; & partie dans ses poches. Il plaça les ruches de ces essaims dans une salle voisine de l'assemblée, il donna un coup de sifflet, aussitôt les mouches le quittèrent toutes et allèrent dans leurs ruches ; à un autre coup de sifflet, elles revinrent reprendre leur poste sur la personne & dans les poches de leur maître. Cet exercice fut réitéré plusieurs fois, au grand étonnement de cette société savante, sans qu’aucun des spectateurs ait reçu la moindre piquûre.

Ces prodiges, dont nous avons dévoilé plus haut la cause secrète, ont été répétés, il y a quelques années, avec un égal succès dans une séance de l'académie des sciences, à Paris, par le même M. Wildman, qui expliqua aux académiciens français la théorie, & la pratique qui lui réussissoient si merveilleusement.

ACADÉMIE DE JEU. Je rencontrai un jour, dit M. Decremps, dans un café de Londres, un bas-Breton, nommé Kussef, que j’avois connu autrefois au collège. Après les premiers complimens d’usage, je iui demandai a quoi il s’amusoit dans ce pays-là ; il me répondit qu’il passoit presque tout son tems à l’académie. Je vous fé-


licite de très-grand cœur, lui dis-je. alors , je voudrois bien avoir le même bonheur que vous. Il n’y a pas grand bonheur à cela, me répondit- il ; cependant si vous désirez d’être un de nos confrères, je pourrai vous introduire, & sur ma présentation vous serez reçu à bras ouverts. Je lui dis que je n’avais aucun titre pour être reçu dans une pareille assemblée;. il repondit, en souriant de ma méprise, que l'assemblée où il vouloit m’introduire, n’etoit point une compagnie de savans, ni une société littéraire, mais tout simplement une académie de jeu composée d’aigrefins de toute espèce, qui étoient alternativement dupes & fripons. Ne croyez pas, ajouta-t-il, que je continue de m'occuper des belles-lettres, comme quand j’étois au collège.

Depuis que j’ai livré ma bibliothèque aux flammes, j’ai couru le monde pour gagner ma vie en jouant toutes sortes de rôles ; j’ai été marchand de bière en Flandres, comédien dans le Brabant, copiste, latiniste & orthographiste à Edimbourg, maître en fait d’armes & contre-pointeur à Dublin. Aujourd’hui, après avoir changé de métier pour la dixième fois, je fais sauter la coupe, je file la carte, je tire la bécassine & je plume le pigeon. Enfin, ajouta-t-il, si vous voulez que je vous initie dans mes secrets pour me servir de compère à l’académie, & faire le petit service, vous pourrez bientôt dire comme moi :

Ma poche est un trésor,
Sous mes heureuses mains le cuivre devient or.

Le Joueur.

Je fus choqué, autant que surpris, de la liberté qu’il prît de me faire une pareille invitation, & de la hardiesse avec laquelle il se vantoit de son savoir funeste : mais tel est l’aveuglement du vice au front d’airain que souvent il fait parade de ce qui devroit le faire rougir. Je lui répondis que j’avois approfondi depuis long-tems toute la théorie de son art, non pour la mettre en pratique & dans l’espérance de pouvoir faire des dupes, mais par curiosité & dans l’intention de dénoncer un jour au public les divers pièges qu’on tend aux honnêtes gens.

Puisque vous êtes si savant, me dit-il, vous pourrez peut-être m’expliquer comment, depuis quinze jours, j’ai constamment perdu mon argent, nonobstant les ruses dont j’ai fait usage, ce qui m’obligera dès-à-présent, de paroître moins fréquemment à l'académie, & d’aller me


Amusemens des Sciences.

A