Aller au contenu

Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T2.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
153
CRO CRO


ouvertures, une contradiction dont il n’est que trop aisé de citer les exemples.

Si l’architecte est moins libre d’approprier au caractère général de l’ordonnance, la forme, la proportion, & même la disposition des croisées, il ne sauroit trouver les mêmes excuses pour tout ce qui a rapport à leur décoration. Depuis l’entière nudité des ouvertures jusqu’aux chambranles décorés d’allégories & d’ornemens, les degrés sont très-nombreux. En général les croisées nues & sans chambranles ne doivent s’employer que dans les maisons privées, où l’architecture & l’art n’entrent pour rien, ou dans des parties extrêmement simples d’édifices, & qui répugnent à toute espèce d’embellissement. C’est dans le caractère des chambranles ou des encadrement de croisées, c’est dans la mesure de richesse ou de simplicité dont ils sont susceptibles que l’on trouve les tons & les mesures propres à rendre sensible le caractère des édifices. Beaucoup d’architectes croyent donner ce qu’ils appellent du caractère à leur architecture, en tenant les croisées lisses, ils se trompent ; toute croisée lisse est nulle pour l’effet & pour le caractère, c’est le zéro en fait d’ornement. On ne sauroit pardonner à beaucoup d’édifices riches & décorés du reste, d’offrir, dans leurs croisées, la même pauvreté d’ouvertures que l’on trouve aux maisons particulières : cette disconvenance est frappante dans la plûpart des ouvrages faits en France depuis quelques années. On ne sauroit l’attribuer qu’à l’habitude où sont les hommes de passer brusquement dans tous la genres d’un extrème à l’autre, et à l’emploi si inconsidéré qu’on a fait, depuis quelque temps, de l’antique ordonnance dorique des Grecs. On a cru que des chambranles contrarieroient l’austérité de ce style ; & comme on a cru qu’il étoit pauvre, on a cherché à lui assortir toutes les parties accessoires.

Le fait est, comme on le verra au mot Dorique, que cet ordre est le plus haut degré de la force en architecture ; que le caractère de force repousse les délicatesses de l’ornement, mais est très-éloigné de commander la privation de tout ornement. L’harmonie exige donc qu’on l’environne de tout ce que l’architecture a de plus mâle dans la manière de profiler & d’orner, & l’on trouvera dans certains chambranles de l’architecture florentine les modèles, (voyez fig. 80) qui peuvent former le premier mode de croisées appliquables au genre sévère du dorique.

Il est cependant encore un mode d’orner les croisées, qui peut l’emporter en austérité ; c’est celui qu’on appelle rustique. Il consiste à entourer la baye des croisées, de refends ou de bossages plus ou moins saillans, plus ou moins âpres, selon le degré de force ou de rudesse qu’on a imprimée à la masse générale. (Voyez fig. 84). Les monumens de la Toscane, sur-tout, offrent de grands & presque d’effrayans modèles en ce genre. On risque toujours, il est vrai, de les mal imiter, parcequ’il est de trouver, soit des matériaux aussi favorables au genre rustique que ceux de la Toscane, soit des masses de construction aussi prodigieuses, soit des convenances qui permettent un auffi enorme genre de bâtir. En géneral, les croisées rustiques ou à bossages ne s’emploient avec succès que dans de grands édifices, & toutes les fois qu’on y admet une odonnance de colonnes, on doit se montrer sobre d’une telle manière d’orner les chambranles.

Palladio & l’École vénitienne peuvent cependant donner des leçons sur cette matière. C’est là qu’on fera le cours le plus complet de décoration de croisées. Il eft même difficile de refuser son approbation à certains chambranles, où les profils se trouvent comme interrompus par des refends. Ces espèces de caprices ont été traités avec tant de goût par Palladio, qu’ils sont, en quelque sorte, devenus classiques. Si la sévérité de l’architecture les rejette hors des règles ordinaires, la complaisance du goût les accueille comme moyens de caractériser certains édifices. (Voyez fig. 85)

Lorfqu’on emploie l’ordre dorique dans toute sa sévérité, il convient de n’admettre dans les chambranles que les profils les plus mâles (Voyez figure ci-dessus) ; ou bien même un encadrement tel que celui qu’on voit au petit temple d’Erechtée à Athènes, quoique l’ordre de celui-ci soit ionique. Comme tout ce qui tend à l’idée de force & de solidité est toujours bien approprié à l’ordre dorique, il sera bon, & même convenable, de donner quelque chose de pyramidal à la forme des croisées, comme les anciens le pratiquèrent, non-seulement dans celles-ci, mais encore dans les portes. Les encadremens des croisées doriques ne doivent point avoir d’ornemens.

On en donnera aux chambranles ioniques, en observant que la sculpture y soit plus délicate que riche. (Voyez fig. 81). Si l’on veut suivre une progression dans la forme comme dans la richesse, on donnera aux croisées ioniques un entablement sans fronton.

Toute la richesse de la forme, de la proportion & de la sculpture se réservera pour l’ordonnance corinthienne, & l’on y affectera la croisée dont on voit le dessein (figure 82 et 83). Cette croisée a son chambranle surmonté d’un fronton. Quelqu’objection que on puisse faire contre l’emploi d’un fronton sur des croisées, comme le besoin & l’usage se sont réunis pour en consacrer l’emploi, il n’est peut-être permis de se montrer difficile sur cet article, que dans des intérieurs, où la figure du fronton semble être en contradiction avec la place qu’elle occupe & le lieu où elle se trouve.

S’il étoit permis de vouloir être plus que riche en architecture, & d’établir au-dessus du degré affecté au corinthien, un degré qui ne seroit plus que celui du luxe, c’est-à-dire vicieux, on mettroit encore au-dessus des croisées qu’on vient de décrire, celles où le fronton se trouve supporté par des colonnes ou des pilastres. On en voit beaucoup de ce

Diction. d’Archit. Tome II.
Y