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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/111

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au double talent de l’artiste qui en dirigea l’exécution et comme architecte et comme peintre, on peut comprendre tout ce que dut offrir d’harmonie, un ensemble né d’une telle conjonction de circonstances. Dès-lors s’explique facilement l’éloge que Vasari en a fait par ces deux mots : Si vede non murato, ma veramente nato. C’est ce qu’on peut dire de tout ouvrage produit par le sentiment qui crée, et non par le savoir qui façonne.

Balthazar Peruzzi excelloit dans ce genre d’ornemens que les Italiens nomment a teretta, et que nous appelons grisaille. On en usoit beaucoup alors dans l’embellissement extérieur des maisons. On se servoit, pour cela, d’une combinaison de terre argileuse, de charbon pilé et de poussière de travertin ou de pierre calcaire. Le dessin se faisoit en creux sur l’enduit, et les hachures se remplissoient ou de blanc ou de noir, pour produire les grands clairs ou les ombres. Rien ne jouoit mieux la sculpture, et c’étoit une manière économique de faire ou des bas-reliefs, ou des ornemens. Malheureusement pour les productions de quelques habiles maîtres en ce genre, le temps ne les a pas épargnés plus que d’autres, et l’on chercheroit on vain aujourd’hui celles de Balthazar à Rome ; il n’en existe plus que des souvenirs.

Etant allé à Bologne, il y fit deux dessins en grand avec leurs coupes, pour la façade de S. Petronio, dont l’un étoit dans le goût moderne et l’autre dans le style gothique. Il les accompagna de projets fort ingénieux pour approprier la nouvelle construction à l’ancienne, sans endommager celle-ci. Ces dessins furent admirés, mais restèrent sans exécution. On cite comme son ouvrage la porte de l’église de San-Michel in Bosco, beau couvent situé hors de Bologne, la cathédrale de Carpi, exécutée sur ses dessins, et l’église de Saint-Nicolas, dans la même ville, dont il commença les travaux el qu’il abandonna, forcé qu’il fut de se livrer à ceux des fortification de la ville de Sienne.

De retour à Rome, il fut employé par Léon X à la construction de l’église de Saint-Pierre. Bramante en avoit jeté les fondemens avec cette précipitation qu’il mettoit, ou si l’on veut, que Jules II lui faisoit mettre dans la plupart de ses ouvrages. Après la mort de l’un et de l’autre, on fut effrayé de la grandeur des masses et de la foiblesse des points d’appui. On n’avisa plus qu’aux moyens de diminuer les uns et d’augmenter les autres.

Balthazar Peruzzi fut chargé de faire un nouveau modèle ; Serlio nous l’a conservé. C’est une croix grecque, dont les quatre branches se terminent en hémicycle. Extérieurement et entre chacune des parties circulaires formées par les hémicycles, s’élève, sur un plan carré, une sacristie. Ces quatre masses devoient servir de soubassement à autant de campaniles. A l’extrémité de chaque hémicycle est une porte ouvrant sur un portique demi-circulaire qui donne entrée dans l’église, par trois ouvertures, ou si l’on veut, trois entre-colonnemens. Le grand autel est entre les quatre grands piliers, sur lesquels s’élève une coupole de 188 palmes de diamètre. Celle-ci est accompagnée de quatre petites coupoles de 65 palmes de diamètre, qui s’élèvent au point central du croisement des bas côtés entr’eux. Tout ce plan est conçu avec la plus grande intelligence. Quoiqu’il n’ait pas eu d’exécution, il n’a pas été inutile aux architectes qui ont remplacé Balthazar Peruzzi.

Cet artiste fit bien voir par la belle composition de ce plan, que son génie étoit de niveau avec les plus hautes idées de l’architecture, et que celui qui savoit ainsi rectifier Bramante, pouvoit bien lui succéder. Cependant, soit que la fortune des grands talens en architecture dépende d’un certain concours de circonstances, soit que les grands talens aient aussi besoin d’un certain art de faire fortune, art que le caractère timide et réservé de Peruzzi ne lui permit pas de pratiquer, la construction de Saint-Pierre ne fit que languir sous sa direction indécise. Malgré la protection de plusieurs grands personnages qui savoient apprécier son mérite, il continua d’être employé à de plus petits ouvrages, c’est-à-dire, à la construction de palais qui n’ont de petit que l’étendue de leur masse ou de leur superficie.

Mais il est, en architecture, une grandeur qui échappe aux mesures du compas. Produite par le génie de l’artiste, elle n’est appréciable qui par l’homme de goût. Celui-ci passera sans en recevoir aucune impression devant beaucoup de ces immenses palais qui renferment dans leur enceinte plusieurs arpens de terrain. Il se trouvera involontairement arrêté à l’aspect des charmantes façades dont Balthazar Peruzzi a orné divers palais plus modestes. Ces masses élégantes, vrais modèles du genre qui convient au plus grand nombre des propriétaires, seront toujours l’objet des études de celui qui desire mettre le goût de la bonne architecture, à la portée des classes moins opulentes de la société. C’est de semblables édifices que Poussin faisoit un recueil pour les fonds de ses tableaux, et l’on peut croire que les édifices bâtis par Peruzzi étoient le type de ceux dont ce grand peintre composoit les belies perspectives de villes antiques, qui, dans plus d’un de ses ouvrages, partagent avec leurs figures l’admiration du spectateur.

Du nombre du ces maisons sont celle que l’or voit près la place de Saint-Pierre, rue Borgo-Nuovo, et celle qui est à l’entrée de la rue qui aboutit en face du palais Farnèse. Toutes deux sont gravées dans le Recueil des palais de Rome, par Falda. C’est là que ceux qui ne les ont pas vues peuvent s’en former l’idée. Toute description orale est insuffisante à l’égard d’ouvrages, dont le principal mérite tient à une certaine grâce