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Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/112

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d’harmonie, que le sentiment seul peut comprendre, et qui n’offrent rien d’extraordinaire ou de saillant a quoi les sens puissent se prendre. Que dire, en effet, de ces maisons, si ce n’est qu’on y trouve un choix exquis des plus belles formes de croisées et de chambranles, qu’on y voit les profils les plus purs, que les rapports entre les pleins et les vides y sont d’un accord parfait, qu’il y règne un aspect de solidité sans lourdeur, de richesse sans luxe et de caractère sans affectation ?

Disons seulement que les ouvrages de ce genre ne sauroient être trop étudiés par les jeunes architectes, qui trop souvent frappés des grandeurs de tous les édifices de l’ancienne Rome, oublient que les villes se composent de maisons, et que la beauté des villes dépend plus du bon goût répandu par l’art dans les simples ordonnancés des maisons de particuliers, que de l’érection de quelques grands monumens que plusieurs siècles parviennent à peine à terminer. Les fabriques de Peruzzi, comme celles de Palladio, sont une sorte d’école pratique du genre d’architecture qui peut convenir aux besoins même des villes commerçantes. Il y a de Peruzzi telle maison avec boutiques et entresols, qui n’en est pas moins un chef-d’œuvre de bon goût en architecture.

Il est fort à regretter que ce beau style qui commençoit à devenir, dans Rome, le style dominant, et comme il arrive toujours, une sorte de mode, n’ait pas régné plus long-temps. Le projet de Léon X se seroit réalisé, et Rome antique auroit reparu dans les monumens de la Rome moderne. Mais lorsque tous les arts, d’un pas égal et rapide, sembloient devoir remonter à leur ancienne hauteur, trois événemens successifs en arrêtèrent la marche.

Le premier fut la mort si prématurée de Raphaël. La grande école dont il étoit l’ame perdit tout son ressort et commença à se dissoudre. Les hommes habiles qui la composoient, répandirent si l’on veut, en se dispersant sur plusieurs points, les lumières du bon goût. Mais ces rayons épars et divergens ne produisirent plus que de foibles clartés.

Le second fut la mort de Léon X, qui arriva peu de temps après, et produisit, pour les arts, une sorte d’éclipse totale pendant le pontificat d’Adrien VI, jusqu’à ce qu’un nouveau Médicis, Clément VII, élu en 1724, fit rentrer avec lui, dans Rome, le génie des beaux arts.

Mais le dernier et le plus fatal des événemens fut la prise et le sac de Rome par le connétable de Bourbon, en 1727. Alors disparut toute espérance de rassembler de nouveau les élémens de cette célebre génération d’artistes qu’avoit réunis Léon X. Un très-grand nombre périt dans cette catastrophe, le reste fut réduit à chercher son salut dans la suite.

Balthazar Peruzzi courut, dans cette crise, les plus grands dangers. Sa physionomie, tout à la fois noble, aimable et sérieuse, le fit prendre pour quelque prélat déguisé ou pour un homme bon à mettre à contribution. On le fit prisonnier, et il eut à essuyer toutes sortes d’outrages et de mauvais traitemens. Parvenu enfin à prouver qu’il n’étoit qu’un pauvre peintre, il fut forcé par les soldats de faire le portrait du connétable de Bourbon, qui avoit été tué à son entrée dans Rome. Il lui fallut acheter la liberté à ce prix. Echappé de leurs mains, il s’embarqua pour Porto Ercole, d’où il gagnoit Sienne, lorsque sur la route il fut pris de nouveau et dépouillé de tout. C’est dans cet état qu’il arriva dans la ville qui étoit sa patrie de prédilection.

Peruzzi y trouva des amis qui s’empressèrent de le secourir et lui procurèrent des travaux. Il y construisit plusieurs maisons particulières. Il donna le dessin de la décoration de l’orgue dans l’église del Carmine et fut employé à rachever les fortifications précédemment commencées sur ses dessins.

Ce fut à peu près vers ce temps que Clément VII, qui connoissoit sa capacité en ce genre et son talent d’ingénieur, voulut l’occuper comme tel au siége de Florence, qu’il faisoit avec l’armée impériale. MaisPeruzzi, sacrifiant les bonnes grâces du Pape à l’amour de sa première patrie, refusa la commission. Le Pape en conserva quelque ressentiment, et l’artiste, après la paix générale, eut besoin de faire aussi la sienne avec le pontife. Les cardinaux Salviati, Trivulzi et Césarino s’employèrent à cette petite négociation.

Balthazar Peruzzi reprit ses travaux ordinaires à Rome. Il donna aux princes Orsini différens dessins de palais qui furent bâtis, les uns près de Viterbe, les autres dans la Pouille. La cour du palais Altemps, à Rome, passe aussi pour être son ouvrage. On le croiroit assez au goût sage qui y règne. En tout cas, ce ne fut qu’une espèce de restauration.

Mais un édifice vraiment original, sous tous les rapports, qu’on peut appeler le chef-d’œuvre de Balthazar Peruzzi, et un des chefs-d’œuvre de l’architecture des palais à Rome, est le palais Massimi. L’art n’a rien produit de mieux conçu, de plus élégamment disposé pour l’emplacement, de plus sage et de plus neuf à la fois dans l’élévation.

Le premier mérite de l’architecte est d’avoir su tirer un parti aussi heureux d’un site ingrat, étroit et irrégulier. Ce parti est tel qu’on le croiroit inventé à plaisir, plutôt que dicté par le besoin. La façade circulaire du palais est ornée de refends dans toute son étendue. Une ordonnance dorique en pilastres et en colonnes, embrasse le contour du rez-de-chaussée, dont le milieu est un vestibule formé de colonnes isolées, et qu’on ne sauroit dire précisément accouplées, quoiqu’elles soient, ainsi que les pilastres du reste de l’ordon-

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