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doient-ils l’Afrique comme leur pays originaire ?

Quoi qu’il en soit, il est certain que les pyramides de la Basse-Egypte, situées aussi de ce côté, firent partie d’un vaste ensemble de sépultures, qui dut être le cimetière de Memphis, et peut-être même de tout le Nôme. La situation du ces pyramides, si multipliées dans un espace d’à peu près trois lieues, ne permet de leur donner aucune de ces destinations scientifiques que certains écrivains ont imaginées. Elles occupent une grande partie de la chaîne Lybique, et les seules éléavations de ce terrain nous suffisent, soit pour nous expliquer une partie de leur construction, comme on le dira plus bas, soit pour nous indiquer la cause matérielle de leur origine.

L’emploi des pyramides une fois constaté par tous les témoignages qui peuvent et doivent le rendre indubitable, on craindra moins de se livrer, sur leur origine, à des conjectures que certains faits, et plus d’une preuve tirée de leur construction même, tendent à élever au plus haut degré de probabilité.

Lorsqu’en fait d’origine des monumens de l’art, on peut remonter à une cause simple, élémentaire et incontestable, la critique raisonnable ne sauroit demander rien de plus. Ainsi, quoiqu’il y ait fort loin, sans doute, d’une pyramide de 450 pieds de haut, à la petite élévation que produit à la surface du sol, la terre qui se relève au-dessus du corps inhumé, on est conduit de proche en proche à voir là, le premier type de tous les monumens funéraires, et surtout des pyramides.

Cependant, entre ces deux points extrêmes, l’intervalle ne fut pas franchi sans quelques intermédiaires. Il faut regarder comme tels ces élévations factices de terres qu’on accumuloit sur le lieu de l’inhumation, pour faire durer plus longtemps le souvenir du mort. Bientôt la nature fournit elle-même des monumens tout faits et plus durables ; c’étoit de ces petits monticules qu’on trouve plus ou moins multipliés dans un trèsgrand nombre de pays. Il ne fut plus besoin que de creuser dans leur intérieur un conduit, et un espace propre à recevoir les corps : et voilà ces tumuli, dont les mentions sont si fréquentes dans l’antiquité, et dont les vertiges frappent encore les yeux des voyageurs. Voyez Tumulus.

En parcourant les bords de la Méditerranée, et particulièrement les contrées célèbres de l’Afrique et de l’Asie, jadis couvertes de villes florissantes, il est facile d’y observer combien y fut commun l’usage d’ensevelir les morts sous des buttes de terre. On ne sauroit dire combien il s’y trouve de tombeaux, qui ne consistent que dans une chambre sépulcrale, recouverte de terre en forme conique. On plaçoit à leur sommet une colonne ou tout autre signe d’honneur, et le reste étoit recouvert de gazon.

On peut croire, d’après la grande quantité qui existe encore de ces tombeaux, que c’étoit un usage fort ancien chez tous les peuples du littoral de la mer. Comment ne pas voir là le modèle et le prototype des montagnes de pierre que les Egyptiens élevèrent en forme de pyramide ?

Quand on examine l’extrémité de la chaîne Lybique, à gauche du Nil, à une petite distance de la mer, on voit que cette crête est occupée par des pyramides de toute grandeur, mais on y découvre aussi une infinité de buttes, sous lesquelles on ne sauroit s’empêcher de croire qu’il y a véritablement des sépultures. On ne sauroit douter non plus que ç’ait été là, comme on l’a dit, le cimetière ou la ville des morts de Memphis. Or, cette multitude de monumens ou détruits en partie, ou qui restèrent peut-être inachevés, démontre avec la plus grande évidence l’origine de leur structure. Les tumuli de Memphis ne différent de ceux de l’Asie, que parce que ceux-ci sont de terre, lorsque ceux-là sont composés de sable, et de débris de pierres fournis par la chaîne des montagnes arides de la Lybie.

Rien de plus simple, et de plus facile maintenant, que de suivre dans sa progression la marche de l’art qui éleva les pyramides. Les buttes naturelles une fois converties ou amplifiées en buttes factices ou artificielles, on dut imaginer, pour les rendre plus durables, de les couvrir grossièrement d’abord des pierres détachées de la montagne. Il paroît fort vraisemblable qu’ensuite, autour de cet amas de pierrailles, on aura élevé des murs qui, pour les maintenir, allèrent en retraite les uns au-dessus des autres, en formant comme de grands degrés, jusqu’au sommet du tumulus. Peut-être aussi, sans qu’il soit besoin de supposer tant d’essais successifs, forma-t-on sur le tumulus qu’on voulut rendre plus durable et plus distingué, une vraie pyramide quadrilatère, c’est-à-dire, un monument décroissant de largeur par des paremens inclinés.

Il ne faut pas oublier, en effet, que l’art de bâtir, comme on l’a dit ailleurs (voyez Architecture égyptienne), dut naître et naquit en effet du travail de la pierre en Egypte, tant la nature y fut prodigue de cette matière, aux dépens du bois, dont l’emploi, vu sa rareté, ne put jamais entrer dans les premières données de ses constructions. En admettant donc la pierre comme matière originaire et générale de toute bâtisse en Egypte, on est porté à croire que la forme de la pyramide, et sa construction ou son revêtement en pierre, dûrent remonter aux temps les plus anciens, et jusqu’aux commencemens de la civilisation, ou de la formation des villes. D’où il est permis de conclure, qu’avant l’érection des grandes pyramides de la Basse-Egypte, et avant que les rois eussent fixé leur résidence à Memphis, déjà il existoit dans les environs de cette ville des tumuli façonnés en pyramide, types et modèles de ceux que la magnificence royale devoit surpasser prodigieuse-

Diction. d’Archit. Tome III
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