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L’art de Nager 437


canard, ou comme un enfant qui repose dans son berceau ; & si votre voyage est de longue durée, il vous sera permis de vous reposer, de dormir même dans le sein des flots.

Voulez-vous, ajoute M. Bashstrom, faire passer une rivière à plusieurs escadrons de cavalerie ? attachez cinq livres de bois de liège derrière la selle de chaque cheval, & autant par devant. Cette précaution même sera inutile, puisque les chevaux nagent naturellement, si le cavalier, revêtu de sa cuirasse de liège, est assez habile pour se jetter à propos dans la rivière, & pour y marcher en tenant son cheval par la bride. Je vous promets que, dans cet état, il pourra passer le Danube à la nage, ou toute autre rivière large & rapide.

Soubreveste du sieur Bonal.

Quelque temps après Bachistrom, le sieur Bonal, citoyen de Dieppe, imagina une soubreveste de liège, dont l’objet étoit de préserver les marins d’une mort qui ne les attend que trop communément dans les flots. Si l’on en croit M. l’abbé de la Chapelle, qui a vu de ces sortes de scaphandres, le sieur Bonal, sans aucune connoissance de la physique, de l’hydrostatique, ni des mouvements du corps humain, les avoit formés sans principes & sans aucun jugement. Quoi qu’il en soit de cette critique, peut-être trop amère de la part d’un auteur qu’on a accusé d’avoir profité des lumières du sieur Bonal, il est certain que M. le marquis de Crussol d’Amboise, dont la candeur & l’honnêteté sont aussi connues que son profond savoir, n’a pu se dispenser d’avouer, après avoir essayé en 1759 l’une de ces soubrevestes, qu’à la longue on seroit incommodé de sa suspension. Des officiers du régiment de la Reine, infanterie, dont il étoit alors colonel, essayèrent aussi ce corselet en sa présence, & pensèrent faire la culbute.

Habit de mer de M. Gelaci.

Les registres de l’académie des sciences du 30 juillet 1757, contiennent une espèce de dissertation, dans laquelle M. Gelaci propose des moyens de se soutenir sur l’eau. L’habillement qu’il a imaginé à cet effet, n’est qu’une espèce de gilet, revêtu de morceaux de liège équarris, placés comme le sont les écailles de poisson, & attachés par une petite face sur laquelle sur laquelle ils puissent se mouvoir comme sur une charnière. Cette disposition de différentes pièces de liège, dont le gilet est hérissé, a été formée ainsi, pour qu’elles puissent prendre & conserver une position horizontale, lorsqu’elles sont agitées par les flots. M. l’abbé de la Chapelle trouve plusieurs défauts dans la construction de cet habit ; & ses observations à cet égard nous paroissent fort sensées.

1°. il est faux que ces morceaux de liège, distribués en manière d’écailles, doivent flotter horizontalement dans l’eau.

2°. Le liège, lorsqu’on fait usage de l’habit de


M. Gelaci, doit être agité beaucoup sur ses charnières par les impulsions irrégulières de l’eau ; & ce frottement parvient bientôt à bouleverser ces écailles, & à causer leur entière destruction.

3°. Ces lièges flottants & ballotés par l’eau, sont exposés à tout moment à s’accrocher à d’autres corps, & à faire périr ainsi le nageur.

4°. Ils présentent un trop grand nombre de surfaces à l’impulsion des eaux, & rendent le mouvement de progression fort difficile.

Jaquette de M. Wilkinson.

Les jaquettes de M. Wilkinson, anglois, paroissent avoir été calquées sur la cuirasse de M. Bachstrom. M. l’abbé de la Chapelle, qui en a vu un modèle, assure qu’elles ont été faites sans principes, & sans aucune connoissance du centre de gravité du corps humain. Les nageurs, ceux au moins qui savent déjà les premiers principes de l’art de nager, peuvent seuls s’en servir. Ce jugement paroit en effet avoir été confirmé par les compatriotes mêmes de l’inventeur. L’histoire du voyage fait autour du monde, par Byron, chef d’escadre, en 1764 & 1765, nous apprend que « pendant qu’on alloit prendre de l’eau pour la provision du vaisseau, les matelots commandés pour cela, avoient ordre de mettre des jaquettes de liège lorsque la houle étoit forte, pour aller & venir en nageant, des canots à la côte, & de la côte aux canots. Notre commodore ne voulut pas permettre qu’ils se missent à l’eau sans ce secours, qui garantit du danger de se noyer, pourvu qu’on ait l’attention de tenir la tête hors de l’eau ; ce qui est aisé à observer ». Si, comme le remarque l’auteur du Scaphandre, ces jaquettes eussent été bien faites, il auroit été inutile de recommander l’attention de se tenir la tête hors de l’eau.

Ceinture de liège de M. le comte de Puysegur, lieutenant général des armées du roi.

Nous ne connoissons le corselet de liège, imaginé au milieu de ce siècle par M. de Puysegur, que par le tableau qu’il en a tracé lui-même dans une lettre écrite le 19 septembre 1765, à M. l’abbé de la Chapelle. « L’hiver de 1747 à 1748, dit-il, le hasard me fit tomber sous la main un livret in-12 intitulé fort improprement l’art de nager. L’auteur fait de bonne foi cette mauvaise plaisanterie sur le motif de son ouvrage : il paroît ne l’avoir entrepris qu’à cause de la signification de son nom de Bachistrom, qui signifie en langue allemande le courant d’un ruisseau, à ce qu’il dit. Il s’est cru obligé de publier les moyens de ne jamais aller au fond de l’eau.  »

« Le résultat de toutes ses recherches, & des efforts de son imagination, ne consiste que dans un habillement de liège, du poids d’environ dix livres, renfermé dans la toile en forme de corset, pourpoint, camisole, gilet, veste ou cuirasse, qui