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Si on vouloit labourer les terres de Beauce avec les charrues sans coutre & sans roues qu'on emploie dans les terres extrêmement légères, à peine égratigneroit-on la terre. De même, si on vouloit labourer des terres très-fortes & argilleuses avec les petites charrues qu'on emploie en Beauce, on ne seroit qu'un labour superficiel qui ne vaudroit rien. Aussi les laboureurs de Beauce ont-ils des charrues à versoir pour défricher les sain-foins, les lusernes, & pour labourer les chemins où la terre est quelquefois si dure que les charrues à oreille romproient plutôt que de l’ouvrir.

A l'égard des terres fortes qui ont bien du fond, il faut les labourer le plus profondément qu'il est possible, & pour cela il faut de fortes charrues qui aient de la largeur ; car si elles sont étroites, comme il faut ouvrir la raie tout auprès des sillons qu'on vient de former, & comme la terre résiste beaucoup, la charrue retomberoit dans le sillon ; au lieu que quand la charrue est large, elle entame la terre à une plus grande distance du sillon, & elle l'ouvre sans tomber dans le sillon précédemment formé.

L'objet qu'on se propose en labourant les terres, est de détruire les mauvaises herbes, & de briser la terre de façon qu'elle soit réduite en petites molécules. La bêche est bien propre à remplir ces vues, parce qu'en retournant la terre, l’herbe se trouve recouverte de beaucoup de terre, où elle pourrit : d'ailleurs elle remue la terre à huit ou dix pouces de profondeur. Mais cette opération est longue, pénible & coûteuse, de sorte qu'on ne peut en faire usage que dans les jardins.

La charrue est beaucoup plus expéditive ; mais communément elle ne remue pas la terre à une aussi grande profondeur, & souvent elle la renverse tout d'une pièce sans briser les mottes ; car le coutre coupe le gazon, le soc qui suit l’ouvre, & le versoir ou l’oreille le renverse tout d'une pièce sur le côté. L'agriculteur anglois s'est attaché à perfectionner ce labour, & pour cela il a imaginé une charrue qui porte en avant quatre coutres au lieu d'un. Ces coutres sont placés de façon qu'ils coupent la terre, qui doit être ouverte par le soc, en bande de deux pouces de largeur ; ce qui fait que le soc ouvrant un sillon de sept à huit pouces de largeur, le versoir renverse une terre bien divisée qui ne forme plus de grosses mottes plates, comme le font les charrues ordinaires. Il arrive de là que quand on vient à donner un second labour, la charrue ne trouve à remuer que de la terre meuble au lieu de rencontrer des mottes, ou même des gazons qui n’ayant pris racine depuis le dernier labour, sont aussi difficiles à di-


viser que si la terre, n'avoit jamais été labourée.

D'ailleurs, Tull prétend qu'avec sa nouvelle charrue il peut remuer la terre à dix, douze, & quatorze pouces de profondeur ; & comme par cette charrue on fait de profonds sillons & des billons fort élevés, la terre est bien plus en état de profiter des influences de l’air.

Quand on veut mettre en façon une friche ou un champ qui n'a point été labouré depuis longtems, il faut que la terre soit très-humide, surtout si elle est forte, car sans cela elle seroit si dure que les contres ne pourroient la couper, ni le soc la renverser. Mais quand les terres sont en façon, il faut éviter de les labourer lorsqu'elles sont fort humides ; car alors le trépignement des chevaux & le soc même corroyent & aglutinent les terres fortes, à peu près comme le font les potiers lorsqu'ils préparent, leur terre pour en faire des vases, & ainsi l'on gâte la terre au lieu de l'améliorer.

Cependant la charrue à quatre coutres la corroye moins que la charrue ordinaire ; parce que le soc de celle-ci la détache par une pression, au lieu que les coutres de l'autre l’ayant coupée en plusieurs pièces fort petites, le soc la renverse sans presque la pétrir. D'ailleurs, comme la charrue à quatre coutres entre dans la terre jusqu'à la profondeur de douze ou quatorze pouces, elle y trouve la terre assez sèche, lors même que celle du dessus est très détrempée.

Tull recommande qu'on mette tous les chevaux les uns devant les autres quand on laboure une terre molle, afin que marchant tous dans le sillon, ils ne pétrissent pas tant la terre.

Si la terre est en bonne façon, l'on peut la labourer par le sec ; mais le tems le plus avantageux est lorsqu'elle est un peu pénétrée d'eau, sur-tout pour la nouvelle charrue qui auroit peine à piquer bien avant si la terre étoit fort sèche.

Il est vrai que comme cette charrue pique bien avant & quelle remue beaucoup de terre, il faudra employer plus de force pour la tirer ; ainsi il sera nécessaire de mettre trois chevaux au lieu de deux, & quatre au lieu de trois. Mais on sera bien dédommagé de cette augmentation de dépense par la perfection qu'on donnera au labour.

La charrue à quatre socs ne sert que pour les principaux labours, pour défricher les terres, ou pour mettre en bonne façon celles qui n’ont point été labourées, ou qui l'ont été mal depuis long-tems. Elle est encore très propre à faire des labours d'hiver, & l’on peut s’en servir de tems en tems pour former de grands sillons