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de l’utilité de ceux-ci, il lui paroît bien plus avantageux de rendre une terre fertile par les labours, lorsqu’elle est d’une qualité à n’avoir pas besoin d’autres secours. Pour qu’un terrain soit en état de fournir aux plantes les sucs qui contribuent à leur accroissement, ses parties doivent être divisées, atténuées, afin que les racines aient la facilité de s’étendre. Le fumier, suivant Duhamel, produit en partie cet effet par la fermentation qu’il excite ; mais il pense que l’instrument de culture l’opère d’une manière plus efficace : outre qu’il divise la terre, il la renverse encore sens dessus dessous ; par conséquent, les parties qui étoient au fond sont ramenées à la surfaces, où elles profitent des influences de l’air, de la pluie, des rosées, du soleil, qui sont les agens les plus puissans de la végétation ; les mauvaises herbes qui épuisent la terre sont détruites & placées dans l’intérieur, où elles portent une substance qui accroît les sucs dont les plantes ont besoin. Une terre où l’on se dispense de quelques labours, soit de préparation, ou de culture, sous prétexte des engrais qu’on y met, se durcit à la surface : elle ne peut donc point profiter de l’eau des rosées, de la pluie qui coule sans la pénétrer. Duhamel observe que le fumier expose à des inconvéniens qu’on n’a point à craindre des labours ; 1o. la production des plantes fumées est d’une qualité bien inférieure à celles qui ne le sont point ; 2o. les fumiers contiennent beaucoup de graines qui produisent de mauvaises herbes ; ils attirent des insectes qui s’attachent aux racines des plantes & les font périr. Toutes ces considérations l’ont décidé à multiplier les labours dans les terres d’une bonne qualité au lieu de les fumer. Aussi, en recommandant les engrais, il conseille toujours de les réserver pour les terres peu fertiles, & de labourer fréquemment celles qui ont un bon fond.

En établissant pour premier principe de culture la fréquence des labours, l’auteur observe que la plupart des cultivateurs imaginent qu’elle est nuisible à la fertilité de la terre, qui perd une partie de sa substance quand elle est trop souvent cultivée. Il répond à cette futile objection, 1o. que l’évaporation n’enlève jamais que les parties aqueuses, & non point celles de la terre ; 2o. que dans bien des circonstances cette évaporation est utile : en supposant que les labours donnent lieu au soleil d’enlever les parties humides nécessaires à la végétation, les pluies qui arrivent après que la terre a été remuée, lui rendent d’une manière plus avantageuse l’eau qu’elle a perdue. Il conclut donc que la fréquence c des labours est très-utile pour rendre les terres fertiles, pourvu qu’ils soient faits à propos.

Duhamel distingue, ainsi que Tull, deux sortes


de labours ; ceux de préparation & ceux de culture. Pour ces derniers, il a imaginé des charrues légères qu’il nomme des cultivateurs, capables de remplir assez bien son objet.

Pour préparer la terre à être ensemencée, suivant Duhamel, on ne sauroit faire des labours trop profonds. Cependant, dans la pratique, il a soin de proportionner la profondeur des sillons à la-qualité du terrain, qui doit être relative au fond de bonne terre plus ou moins considérable. En général, il fait labourer les terres fortes avec des charrues qui prennent beaucoup d’entrure, c’est-à-dire, qui piquent à une profondeur considérable, & pour celles qui n’ont pas de fond, des labours légers suffisent.

Lorsque, la terre est sujette à retenir l’eau, il fait labourer par planches ou par sillons plus ou moins larges, afin de procurer l’écoulement des eaux qui resteroient à la surface, si l’on ne donnoit pas une pente à leur cours. Quand elle n’est point exposée à cet inconvénient, les labours sont faits à plat, & on ouvre de distance en distance, de grands sillons qui donnent issue aux eaux.

Avant d’ensemencer une terre en grains hivernaux, principalement en froment, Duhamel exige qu’elle ait reçu quatre labours de préparation. Le premier doit être fait avant l’hiver, afin que la gelée brise les mottes, pulvérise la terre, fasse mourir les mauvaises herbes : ce premier labour s’appelle guéreter. Le second, nommé binage, est fait dans le courant de ventôse pour disposer la terre à profiter des influences de l’atmosphère, & sur-tout des rayons du soleil. Le troisième, appellé rebinage, est fait au mois prairial, pour détruire les mauvaises herbes qui ont poussé depuis le binage. Le quatrième, nommé labour à demeure, se fait immédiatement après les moissons. Duhamel ne croit point que ces quatre labours suffisent dans toutes les circonstances, ni pour toutes sortes de terrains.

Si le printems est chaud & pluvieux par intervalles, l’herbe pousse avec vigueur : il ne faut pas alors s’en tenir aux labours d’usage ; il est à propos de les multiplier, afin d’arrêter la végétation des mauvaises herbes.

Pour semer les grains de ventôse, il exige que la terre soit préparée au moins par deux labours, & condamne la méthode des cultivateurs qui sèment après un seul labour fait en pluviôse ou en ventôse. Il prétend que la terre ne peut être bien disposée sans un labour fait avant l’hivér, immédiatement après les semailles des hivernaux, & par un second fait après l’hiver. « L’expérience, ajoute-t-il, prouve évidemment la nécessité de deux labours, puisque les avoines, les orges, faites après un seul labour, ne sont jamais aussi