& dans un état de dessiccation où ils acquièrent une fermeté inaltérable.
Mais lorsqu’on ne ménage pas l’action du feu, l’écorce frappée d’abord trop vivement, se durcit de manière qu’elle n’est plus perméable à l’eau, qui, résidant à la surface intérieure de cette écorce, réagit sur la substance farineuse de la châtaigne & l’altère.
D’un autre côté, comme c’est par la fumée qu’on fait sécher les châtaignes, & que la fumée n’agit sur elles qu’en circulant autour de leur écorce & même en la pénétrant, il est visible que cette vapeur y dépose des substances huileuses & salines, acres & amères, qui, par leur nature, attirent l’humidité de l’air ; ainsi, quelque temps après que les châtaignes sont retirées du séchoir, leur écorce, si elles en sont encore revêtues, se charge d’une nouvelle humidité, qui, par un progrès assez rapide, s’étend bientôt jusqu’à la substance farineuse des châtaignes, y porte l’amertume des sels & de l’écorce, & finit par l’altérer & la corrompre. Il n’est donc pas étonnant que les châtaignes séchées & gardées ensuite avec leurs écorces deviennent, comme nous l’avons dit, noires & mollasses, & contractent un goût de fumée & d’empyreume désagréable.
En dépouillant les châtaignes de leurs écorces & de leurs pellicules au sortir du séchoir, on prévient ces inconvéniens. Les principes de la fumée ne peuvent pas pénétrer à travers l’écorce, ni atteindre la substance de la châtaigne qui conserve sa couleur jaunâtre, & la fermeté inaltérable que la dessiccation lui a communiquée.
D’après cette discussion, on doit sentir combien il importe de suivre très-exactement les procédés de la méthode que nous avons décrite ; & quels sont les avantages d’une pratique simple & facile, qui procure, sans beaucoup de frais, un moyen sûr de mettre en réserve le superflu des bonnes années, pour subvenir aux besoins des disettes ou des mauvaises récoltes.
SECONDE PARTIE.
Méthodes de préparer & de faire cuire les châtaignes.
Les détails dans lesquels nous sommes entrés jusqu’à présent, n’ont eu pour objet que de décrire les movens de dessécher les châtaignes en les exposant à la vapeur chaude de la fumée ; mais il n’a point été question de les faire cuire. On leur a seulement enlevé l’eau surabondante qui auroit été à la longue l’instrument de leur destruction, & l’on a prévenu la fermentation qui auroit décomposé leurs principes. Ces principes, privés d’eau & rapprochés ont été conservés sans altération. Maintenant nous devons nous occuper des procédés qu’il convient de suivre si l’on veut tirer journellement de la provision de châtaignes qu’on a mise en réserve, une nouriture saine & agréable.
Pour mettre de l’ordre dans l’expositîon de ces différentes opérations, je distinguerai ici les châtaignes fraîches ou en vert, c’est-à-dire, celles qu’on a conservées dans leur état naturel, des châtaignes sèches qu’on a soumises aux procédés que nous venons de décrire ; & comme nous avons vu que ces dernières se gardoient en deux états différens, ou dépouillées de leurs peaux, ou revêtues de leurs peaux, nous distinguerons la manière de cuire les unes & les autres : ainsi, dans les deux premiers articles, nous traiterons de la manière de faire cuire les châtaignes en vert ; & dans les articles suivans, nous décrirons les procédés qui conviennent à la cuisson des châtaignes séchées, soit revêtues, soit dépouillées de leurs peaux.
Art. I. Opérations préliminaires à la cuisson des châtaignes en vert, ou manière de blanchir les châtaignes.
On commence par peler les châtaignes, en enlevant la première peau ou écorce. Cette opération se fait dès la veille du jour où l’on se propose de les faire cuire. Les domestiques dans les maisons des particuliers, & les ouvriers dans les métairies, s’occupent de ce soin pendant la veillée. Ils détachent assez facilement & assez promptement avec un couteau la peau extérieure qu’ils déchirent par parties ; mais il n’en est pas de même de la pellicule intérieure, qui non-seulement est adhérente & comme collée à la surface de la substance des châtaignes, mais encore se trouve engagée assez profondément dans les sinus de ce fruit, & en revêt les parois. Voici le procédé simple & adroit qu’on emploie pour dépouiller les châtaignes de cette pellicule, qu’on appelle tan dans les provinces où l’on fait usage de cette méthode ; telles sont le Limousin, le Périgord & l’Auvergne.
On met pour cela de l’eau dans un pot de fonte de fer. Il ny a pas de ménage, dans ces provinces, qui n’ait cet ustensile de cuisine si nécessaire. On emplit ce pot à peu près à la moitié ; & lorsque l’eau est bouillante, on y verse avec une écumoire les châtaignes pelées dès la veille. On évite d’y mettre trop d’eau, parce que, si elle couvroit la surface des châtaignes, elle gêneroît dans l’opération du déboiradour. On laisse le pot sur le feu, & on remue les châtaignes avec l’écumoire jurqu’à ce que l’eau chaude, en pénétrant la substance du tan, l’ait ramollie, & y ait produit un gonflement propre à détruire son adhérence au corps de la châtaigne. On s’assure que cet effet est au point convenable, en tirant du pot quelques châtaignes, & en les comprimant sous les doigts. Lorsqu’elles s’échappent par la compression & qu’elles se dépouillent de tout leur tan sans autre effort, l’on retire bien vite le pot du feu, & l’on procède à l’opération du déboiradour.
Cet instrument est composé de deux morceaux de bois attachés en forme de croix de S. André, au milieu de leur longueur, par une cheville autour laquelle les bras de ces deux leviers mobiles pf’Q^[illisible] s’ouvrir en s’éloignant, ou se fermer en se [illisible]rappro-