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CUI CUI

4°. Ceux qui ont une substance blanche, plus que ceux qui ont une couleur vive.

5°. Ceux qui sont d’un goût doux & agréable, plus que ceux qui ont un goût fort piquant & aromatique.

6°. Les animaux terrestres plus que les poissons.

7°, Les animaux qui vivent de végétaux & d’autres alimens légers, plus que ceux qui se nourrissent de chair ou d’alimens durs & pesants.

8°. Toute la volaille engraissée, le bétail nourri dans l’étable, & même les végétaux hâtifs ou venus artificiellement sur couche, tendent plus à la putréfaction, & par conséquent sont moins propres à la nourriture de l’homme que ceux qui sont nourris & élevés d’une manière naturelle.

Nous distinguerons encore, avec l’Auteur des Dons de Cornus, la cuisine ancienne & la cuisine moderne. Ce qu’on entend par la cuisine ancienne est un apprêt fort composé, & très-recherché des alimens que les François aiment, mise en vogue par toute l’Europe, & qu’on suivoit presque généralement il y a trente à quarante ans. La cuisine moderne établie sur l’ancienne, avec moins d’appareil & moins d’embarras, quoiqu’avec autant de variété, est plus simple, plus propre, plus délicate, & peut-être encore plus savante.

L’ancienne cuisine étoit fort compliquée & d’un détail infini ; la cuisine moderne est un espèce de chimie.

La science de l’habile cuisinier consiste à décomposer & à quintessencier les viandes, à en tirer des sucs nourrissants, et pourtant légers ; à les mêler & les confondre ensemble, de façon que rien ne domine & que tout se fasse sentir ; enfin à les rendre si homogènes,

que de leurs diverses saveurs il ne résulte qu’un goût fin & piquant, & une harmonie de tous les goûts réunis ensemble. Tel est le fin du métier & le grand-œuvre en fait de cuisine.

Il faut de plus, qu’un bon cuisinier connoiste exactement les propriétés de tout ce qu’il emploie pour pouvoir corriger ou perfectionner les alimens que la nature nous présente tout bruts ; qu’il ait avec cela la tête faine, le goût sur, & le palais délicat, pour combiner habilement & les ingrédiens & les doses. L’assaissonnement est recueil des médiocres cuisiniers, & la partie de leur travail qui demande le plus d’attention. Le sel, le poivre, & les autres épices doivent être ménagés & dispensés par une main légère que l’intelligence conduise.

Ajoutons aux qualités d’un bon cuisinier l’adresse de la main pour opérer proprement, & ce qu’un ancien recommande, une étude très-assidue du goût de son maître.


Namque coquus domini debet habere gulam.

Martial.

Aujourd’hui en France, dans les bonnes tables, l’on boit peu de vin, & l’on exige que l’assaisonnement des mets soit presque insensible ; l’on en a proscrit les épices, le sucre, le safran, &c. ; on demande peu de plats, mais fins & délicats, peu de ragoûts & beaucoup de hors-d’œuvre. Les cuisiniers de certaines grandes maisons servent par semestres, & ne boivent pas de vin de peur de se biaser le goût.

Dans quelques cuisines de Paris, on a introduit, par économie, le digesteur ou la marmite de Papin. Cette marmite est hermétiquement fermée ; par son moyen on tire en peu de temps & à peu de frais, le suc des os mêmes, & l’on réduit en gelée les nerfs. Mais l’usage de cette marmite pourroit être dangereux si elle étoit entièrement de cuivre jaune, c’est pourquoi l’on conseille de l’étamer, ou plutôt de la doubler avec une lame d’argent fin, comme on le pratique dans la platerie angloise de nouvelle invention, dont nous parlerons dans la suite des arts de ce Dictionnaire.

Ce digesteur de Papin, disons-nous, est une sorte de vaisseau, dans lequel on met de la viande avec au-tant d’eau qu’il en faut pour le remplir exactement ; après quoi on le ferme à vis avec un couvercle, de manière que l’air extérieur ne puisse s’y communiquer ; mettant ensuite cette machine sur deux ou trois charbons rouges, ou même l’exposant simplement à l’action d’un petit feu de lampe, la viande en six ou huit minutes se trouve réduite en une pulpe, ou plutôt en une liqueur parfaite ; & poussant un peu le feu ou seulement en le laissant agir tel qu’il est, quelques minutes de plus, les os les plus durs se transforment en pulpe ou en gelée. On attribue cet effet à l’exactitude avec laquelle cette machine est fermée ; comme elle ne permet ni l’entrée ni la sortie de l’air, les secousses occasionnées par la dilatation & les oscillations de l’air renfermé dans la chair, sont uniformes & très-vigoureuses ; celles de l’air qui en est sorti, jointes à celui qui étoit dans le vase autour de la viande dans le temps qu’on l’a fermé, sont aussi très-fortes ; & plus il est échauffé, plus sa raréfaction empêchée par les parois qui ne cèdent point, le fait réagir en manière de pilon sur la matière résistante contenue ; moyennant quoi la dissolution s’en fait & s’achève, tout se trouve converti en un fluide qui paroit homogène, & en un mélange de particules aqueuses, salines, huileuses, & autres si intimement adhérentes, qu’elles ne sont presque plus separables. Quand ce mélange est chaud, il ressemble à une liqueur & à une gelée ; lorsqu’il est froid, sa consistance est proportionnée à la quantité de : viande ou d’os que l’eau a dissous.

De la Batterie de Cuisine.

On entend par batterie de cuisine, tous les ustensiles qui peuvent servir à la cuisine, soit de fer, soit de cuivre, de potain, & autres métaux & matières. Dans une signification moins étendue, ce mot s’entend seulement des ustensiles de cuivre, comme chaudrons, chaudières, tourtières, fontaines, marmites, cuillers grandes ou petites, coquemars, poissonnières & autres semblables. Ce mot vient de celui de battre parce que tous ces ouvrages sont battus au marteau.