Aller au contenu

Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32 ART ART


de l’esprit & suffire aux satisfactions sentimentales.

Comme ces combinaisons ne sont jamais parfaites, comme elles varient sans cesse, les hommes & les sociétés semblent destinés à se balancer perpétuellement, dans les innombrables révolutions des temps, de la barbarie à la civilisation & de la civilisation à la barbarie.

Mais il résulte de ces élémens que les hommes, pour leur avantage, doivent contribuer au soutien & au perfctionnement des Arts.

Ce Dictionnaire est destiné spécialement à la Peinture : cependant sa perfection entraîne des rapports avec les autres talens libéraux, & exige le secours de plusieurs Arts méchaniques & scientifiques ; j’ai désigné ces différentes relations, suivant leur ordre, à la fin du Discours préliminaire.

D’autres rapports enfin ont pour bases les différentes manières dont tous les Beaux-Arts & par conséquent la Peinture, peuvent être envisagés par ceux qui les protègent, par ceux qui les exercent, & par ceux qui se contentent d’en jouir. C’est sur quoi je vais m’étendre.

Si leurs principes ou leurs opinions influent nécessairement sur l’objet à l’égard duquel je les envisage comme formant trois espèces de classes, il seroit utile que des notions élémentaires les aidassent à connoître, lorsqu’ils voudroient y avoir recours, comment ils peuvent favoriser les Arts & comment ils leur nuisent.

Ce Dictionnaire contient les élémens relatifs à ceux qui exercent la Peinture ; cependant, comme j’y ai adressé des observations aux deux autres classes, lorsque l’occasion s’en est presentée ; je vais hasarder encore dans cet article quelques notions qui les regardent directement.

Je commence par la plus distinguée, & rassuré par une intention pure, je n’appréhenderai pas que ceux qui la composent s’offensent, si je dis qu’ils ne reçoivent pas toujours dans leurs institutions, sur l’objet dont il s’agit, des idées assez justes, assez grandes, & par conséquent aussi convenables que le demanderoient l’intérêt des Arts & leur propre intérêt.

Les Arts libéraux, trop souvent regardés comme objets agréables, leur sont le plus ordinairement présentés sous cet unique aspect, & par conséquent dans un ordre beaucoup trop inférieur à celui qui leur appartient & à des connoissances plus importantes sans doute, mais dont l’importance n’a droit de rien ôter à la valeur des autres.

Mieux éclairés sur la nature & les destinations des Arts, ils reconnoîtroient facilement qu’aucun d’eux ne doit être considéré par les premiers de nos sociétés civilisées, uniquement comme objets d’agrément, & je crois ce principe d’autant mieux fondé que l’Art même dont traite cet Ouvrage,


paroît, comme je vais l’exposer, aussi indispensablement attaché que les autres, aux grands & importans objets dont j’ai déjà parlé dans le Discours préliminaire.

Si l’on parcourt, il est vrai, les différentes branches de talens dont la Peinture fait partie, on appercevra que les plus nobles destinations dont ils sont susceptibles étant plus négligées que dans les siècles où ils ont joui de toute leur gloire, les honorables titres dont ils étoient décorés, doivent paroître trop élevés pour la plupart des usages que nous en faisons, & que les genres subordonnés étant beaucoup plus employés de nos jours à ce qu’on qualifie d’agréable, qu’a toute autre destination, on a dû se restreindre à nommer agréables les Arts qu’on appelloit divins ; on a pu même se croire autorisé à les regarder, sous quelques rapports, comme Arts de luxe, comme Arts inutiles, & peut-être comme Arts pernicieux.

Mais l’abus des usages & des dénominations ne charge pas la nature des choses, quoiqu’il change les noms qu’on leur donne & les opinions qu’on en a, & malgré les préjugés, il sera facile encore, d’après quelques notions plus approfondies, que je vais offrir, de reconnoître les importantes destinations qui ont acquis aux Arts la noblesse & l’éclat dont ils ont joui, & que n’auroient pu leur mériter des usages uniquement agréables.

Si l’on parcourt ensuite tous les usages dont ils sont susceptibles, on verra qu’indépendamment, des objets de pur agrément, objets qui, soumis aux convenances, ne peuvent les dégrader, les branches les plus subordonnées de tous les Arts, & en particulier de ceux du Dessin, offrent encore des utilités si grandes à l’industrie, & par conséquent des avantages si importans pour le commerce & pour la richesse des Etats, qu’ils méritent une considération trop altérée de nos jours par des idées vagues & superficielles.

Revenons sur ces premières notions pour les développer davantage.

J’ai parlé au commencement de cet Ouvrage des cultes à l’occasion des Arts, la liaison de ces objets peut présenter quelque chose d’extraordinaire, d’idéal & d’incohérent. Si l’on ne considère pas que le premier & le plus respectable des cultes, le culte religieux lui-même ne pourroit tomber sous les sens, ne pourroit être que personnel, intérieur, & conséquemment dénué d’unanimité, sans le ministère des Arts libéraux, c’est-à-dire, le langage d’action ennobli qui, seul, exprime & inspire rapidement aux regards d’une multitude assemblée, les respects dûs à la plus sainte des institutions ; l’Eloquence sentimentale qui instruit, exhorte, touche & console ; la Poësie & le Chant qui, en exaltant, d’après les inspirations de l’ame, la reconnoissance, les desirs, les vœux & tous leurs


différens