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leurs proportions ; ces proportions, comparées aux nôtres, s’opposent quelquefois à nos desirs, ou nous exposent à des dangers ; mais les proportions des objets dont nous faisons le plus d’usage, nous sont généralement favorables, & établissent de plus en plus la satisfaction que les proportions nous causent.

Des besoins, si l’on passe aux Arts qui en sont la suite nécessaire, les proportions se multiplient de toutes parts pour notre utilité & pour nos plaisirs : car, dans les Arts méchaniques, les proportions sont les fondemens de toute invention. Elles enfantent les calculs, président aux théories, & plus on les rend parfaites, plus cette perfection nous fatisfait dans les usages qu’on en tire, plus elle excite notre admiration dans le spectacle qu’elles nous donnent, & plus elle nous contente dans les méditations auxquelles elles nous invitent.

Si nous passons aux Arts agréables, comme ils appartiennent tous plus ou moins à l’imitation, les proportions se reproduisent dans leurs ouvrages, & comme le choix & la perfection semblent plus nécessaires dans l’imitation, pour nous attacher & nous plaire, que dans la réalité même, les Arts ont été conduits naturellement à rechercher, à étudier les proportions & à en établir des calculs, des règles & des méthodes.

Les détails de tout ce que je viens d’offrir rapidement seroient faciles à développer, mais tenant ici trop de place, ils interromproient le tissu des idées élémentaires, que j’ai dessein de présenter. Je m’arrêterai désormais à ce qui regard, à cet égard, l’Art de la Peinture.

La Peinture, dans l’état le plus imparfait, est obligée de se soumettre aux proportions : il est vrai qu’elle les indique alors plus qu’elle ne les observe, parce qu’elle ne suit qu’une sorte d’instinct, une sensation vague des dimensions les plus apparentes ; cependant, l’imitation la plus grossière pour parvenir à faire reconnoître, ou deviner l’objet imité, ne peut se dispenser de faire plus grand, plus long ou plus gros les parties d’un tout qui ont cette proportion relativement aux autres dans la nature : peu-à-peu, l’on ces proportions plus exactement.

Enfin, la méditation inspire ensuite de fixer quelques points fondamentaux, dans les rapports & les proportions : lorsque l’Art devient plus réfléchi, l’on sent la nécessité de fixer, avec la plus grande justesse, ces points par des observations comparées, & on y parvient par le secours sûr de quelques sciences exactes.

C’est ainsi que les idées des proportions se présentent à l’homme, qui lui même est un composé de parties indispensablement proportionnées. C’est par ces raisons que les proportions lui plaisent, & est ainsi que peu-à-peu il les observe, les imite & découvre les régles auxquelles la Nature les a soumises.

Mais ces proportions sont susceptibles de certaines précisions, de certaines finesses, qui, lorsque le sens de la vue, le sentiment & l’esprit se perfectionnent, doivent se perfectionner aussi & devenir plus sensibles.

Les circonstances concourent à ces perfectionnemens, & c’est par leur effet, joint à tout ce que j’ai fait appercevoir rapidement que les Grecs, dans l’époque la plus brillante de leur existence par rapport aux Arts, ont porté au dernier degré & même en quelque façon au-delà de ce degré, la finesse des proportions méditées dans les ouvrages de Peinture dans ceux de Sculpture & sur-tout dans l’imitation de la beauté sublime de la figure humaine.

Je ne répéterai pas ce qui dans le Discours Préliminaire & dans plusieurs de mes articles, a rapport à cet objet ; mais je dois desirer que les Lecteurs se le rappellent. Je continuerai ces apperçus, en disant que les proportions du corps humain sont devenues chez les Grecs une base savante & profonde de la beauté. Mais comme leurs facultés exercées & portées à s’étendre & à s’élever par de grands & puissans motifs, étoient parvenues à une perfection extraordinaire. Il en est résulté que la beauté plus sensiblement divisée en beauté sensuelle, beauté sentimentale & beauté spirituelle, a exigé dans les imitations des Arts, non-seulement les proportions les plus fixes, les plus apparentes, mais les proportions les plus finement relatives aux sens, au sentiment & à l’esprit. Dans les distinctions que je vais faire à cet égard, je ne donne cependant mon opinion que comme une conjecture que je crois vrai-semblable.

Il me semble donc que les Grecs pour parvenir aux degrés de perfection qu’ils ont atteints, ont dû faire une distinction entre les dimensions des parties solides intérieures de la charpente, & les dimensions des parties molles & apparentes.

Les dimensions des parties les plus solides, qui sont les os & quelques cartilages, établissent principalement des longueurs relatives, proportionnelles & déterminées. Ces dimensions, par le secours de l’Anatomie, présentent des résultats à-peu-près fixes, sur lesquels on peut s’appuyer.

Les dimensions des substances parties moins solides consistent en différentes grosseurs des parties visibles du corps, en diminutions insensibles, en renflements gradués de ces parties ; modifications dont se trouvent susceptibles les muscles, la graisse & la peau, qui variables reçoivent des dimensions dépendantes du tempérament, de l’âge & des circonstances : ces dimensions & les formes qui en résultent sont appa-