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xxij AVERTISSEMENT.


portraits. Cette manière de s’occuper de ses amis, en se pénétrant de leur image, a quelque chose de tendre qu’il n’appartient qu’aux ames délicates & pures d’inspirer ou de ressentir.

N’est-ce pas ici le lieu de parler de l’Essai sur les Jardins ([1]), ouvrage que dictèrent à M. Watelet les plus agréables souvenirs ? À des vues très-philosophiques sur les progrès des arts, l’auteur a joint dans cet écrit des préceptes ingénieux sur les décorations des jardins de toute espèce ; mais ce que l’on y remarque avec plus d’intérêt, c’est le tableau de sa vie dans l’asyle champêtre où il devoit à ses amis le bonheur & l’hospitalité : asyle devenu fameux par les beautes de son site & de ses dispositions, & où la nature fut toujours respectée ; asyle visité par les grands, habité par les muses, célébré par le chantre aimable des jardins ([2]), & qui fut la retraite d’un sage. Le cours & la limpidité des eaux, la fraîcheur & le silence des grottes, des fleurs éparses sur des terreins incultes, & l’aspect de quelques ruines accompagnées d’inscriptions en vers harmonieux & doux, y rappel, loient ce que valent, dans le sein de l’amitié, la liberté, le repos & le temps.

Se pouvoit-il que les jours de M. Watelet continuassent jusqu’à leur terme d’être heureux & sereins ? un évenement imprévu troubla ce

  1. (1) A Paris, chez Prault, Imprimeur du Roi, quai des Augustins, 1774.
  2. (2)

    Tel est cher Watelet, mon cœur me le rappelle,
    Tel est le simple asyle, où, suspendant son cours,
    Pure comme tes mœurs, libre comme tes jours,
    En canaux ombragés la seine se partage,
    Et visite en secret la retraite d’un sage.
    Ton art la seconda ; non cet art imposteur,
    Des lieux qu’il croit orner hardi profana-eur.
    Digne de voir, d’aimer, de sentir la nature,
    Tu traites sa beauté comme une Vierge pure
    Qui rougit d’être nue & craint les ornemens.


    Les jardins, Poëme par M. l’Abbé Delille, Chant 3.