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AVERTISSEMENT xxiij


calme en le privant d’une grande partie de sa fortune. Le bon usage qu’il en avoit su faire rendit ses regrets légitimes & touchans. Les jeunes artistes dont il prévenoit les besoins, & les malheureux’ qu’il soulageoit, y perdirent au reste moins que lui. Ce fut sur la part qu’il s’étoit reservée qu’il fit le plus de retranchemens. L’estime publique ne l’abandonna point dans ce revers, des amis puissans lui donnèrent des preuves de leur zèle ; un entr’autres, que ses bienfaits désigneront assez, lui prodigua toutes les consolations d’une amé affectueuse & tendre, auxquelles il joignit des secours qu’il est rare que les hommes de son rang donnent à ceux de l’état de M. Watelet.

C’est sur-tout dans les tempéramens foibles & sensibles que le chagrin appelle la souffrance à laquelle succèdent la langueur & le dépérissément. M. Watelet s’apperçut, dans ses dernières années, que le travail des lettres le fatiguoit beaucoup ; il y substitua celui des arts. Tantôt il dessinoit ; tantôt il gravoit à la manière de Rembrandt, dont il se flattoit d’avoir découvert le procédé, dont au moins il savoit rendre quelques effets. S’étant affoibli davantage, il se contenta de modeler en cire ; plus foible encore, il parcouroit ses porte-feuilles, il conversoit avec de jeunes artistes dont le feu le ranimoit, & proportionnant toujours ces nuances de plaisir à l’état de ses forces, il ne cessa d’en goûter les charmes qu’au moment où ses sens refusèrent de lui en transmettre les impressions. Il s’éteignit ainsi d’une manière insensible au milieu de ces jouissances, & il expira sans douleur, en croyant s’endormir, le 12 Janvier 1786.

Sa mort fut aussi douce que sa vie avoit été tranquille. Tous ceux qui l’ont connu savent que sa modération étoit grande, mais en ne sait pas assez que cette modération fut moins un présent de la nature, dont il avoit reçu une ame très-active, que l’ouvrage d’une raison sévère qui en avoit de bonne heure réprimé les mouvemens. Cette surveillance s’appliqua successivement à toutes ses passions dont il redoutoit


Beaux-Arts. Tom. I.