Aller au contenu

Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
218 ÉCO ÉCO

cipe intérieur qui les fasse agir. Tout artiste qui néglige l’expression, ne représente que des mannequins, même lorsqu’il a le soin de prendre la nature pour modèle.

Le premier soin de Raphaël quand il vouloit composer un tableau, étoit de penser à l’expression, c’est-à-dire de bien établir, suivant le sujet, quelles passions devoient animer les personnages, & il faisoit tendre toutes les figures, tous les accessoires, toutes les parties de la composition à l’expression générale du sujet.

Comme il n’avoit pas trouvé dans les statues antiques de leçons pour le clair-obscur, il fut toujours assez foible dans cette partie, & s’il conçut qu’il peut y avoir quelque grandiosité dans la distribution des jours & des ombres, ce fut une découverte qu’il fit dans les ouvrages des Peintres Florentins. On ne peut pas dire cependant que, même pour la partie du clair-obscur, il ait imité la nature sans choix. Il chercha ce qu’on appelle des masses & ménagea les grands clairs pour les parties les plus apparentes des figures nues ou drapées. Si cette méthode ne produisit pas de ces effets qu’on appelle magiques, elle répandit au moins sur ses ouvrages cette netteté qui fait distinguer de loin les figures, & l’on ne peut nier que ce ne soit encore une des parties essentielles de l’art. Il n’a pas été au de-là, &, content de la partie du clair-obscur qui vient de l’imitation, il n’a pas cherché celle qui cil idéale.

« Il avoit coutume de faire tomber les plus grandes lumières & les plus fortes ombres sur les figures du premier plan, comme si les draperies & tous les autres objets eussent été d’une même couleur. Il porta la lumière de a chaque couleur de ses figures du premier plan jusqu’au blanc, & toutes les ombres jusqu’au noir. Cette habitude lui vint de ce qu’il dessinoit le sujet entier de son tableau d’après de petits modèles, & de ce qu’il en faisoit rarement des esquisses coloriées. De cette manière, il s’accoutuma à placer les jours & les ombres sur ses figures comme si elles eussent été ombrées d’après des statues ; c’est-à-dire, que plus elles se trouvoient placées sur le devant du tableau, plus il renfoncoit les lumières & les ombres en les dégradant à mesure que les figures fuyoient. » « Le coloris est une partie dans laquelle il ne mérite pas d’avoir d’imitateurs. Il apprit d’abord suivant l’usage de son temps, a peindre en détrempe, & comme il est fort difficile d’être coloriste dans ce genre de peinture, il ne surpassa pas ses maîtres. La fresque qu’il pratiqua sur-tout dans la suite ne pouvoit guere le perfectionner dans cette partie, parce qu’elle exige trop de promptitude dans l’exécution pour permettre de colorier d’après nature. Il rendit à Florence, chez Barthelemi de Saint-Marc, son pinceau plus vigoureux, ses couleurs plus animées, sa touche moins léchée & acquit une grande perfection dans la fresque mais il ne mérita jamais d’être placé entre les grands coloristes. »

Mengs. On reconnoît cependant qu’il a été quelquefois d’une grande vérité dans la couleur, & que, sur-tout dans les derniers temps de sa vie, il y avoit fait dos progrès remarquables : mais il ne faut pas le juger dans cette partie, d’après les principes de l’école Vénitiennè, que l’on peut croire qu’il n’auroit pas adoptés, quand même il les auroit mieux connus. Il auroit peut-être craint qu’il ne nuisissent aux autres parties de l’art auxquelles il donnoit les premières places, & que par conséquent il vouloit faire dominer dans ses ouvrages.

La composition & l’ensemble des figures étoit la partie principale de Raphaël. Son esprit philosophique ne pouvoit être touché que des choses qui ont de l’expression. I : avoit une trop haute idée de son art, pour le regarder comme un art muet ; il vouloit le faire parler à l’ame & à l’esprit ; mais pour le faire parler, il faut lui donner quelque chose à dire, & cela n’est possible que dans les sujets expressifs. Si Raphaël ne s’éleva pas à la hauteur des Grecs, s’il ne posséda pas au même degré l’art d’embellir la nature, il vit du moins & imita, ce que la nature a d’expressif & de beau. « Les Grecs planoient avec majesté, dit Mengs entre la terre & le ciel : Raphaël a marché avec justesse sur la terre. »

« Il a été, non-seulement très-habile, mais surprenant dans la partie de la composition : c’est celle qui lui a fait le plus d’honneur, & avec justice. Il en a été le créateur, & n’a eu dans ce genre aucun modèle ni dans l’antique, ni chez les modernes. On pourroit dire qu’il auroit passé les limites de l’humanité, s’il avoit possédé toutes les parties de l’art au même degré que celle-là. » « La composition est en général de deux espèces, ajoute le même artiste ; celle de Raphaël est le genre expressif, l’autre est le genre théâtral ou le pittoresque, qui consiste en une disposition agréable des figures du sujet que l’on traite : Lanfranc a été le premier inventeur de ce genre, & après lui, Pietre de Cortone. Je donne la préférence à Raphaël sur tous les autres dans cette partie, parce que la raison a présidé à tous ses ouvrages ou du moins au plus grand nombre. Il ne s’est a pas laissé séduire par des idées communes, ou même par de belles idées dans ses figures accessoires, qui auroient détourné l’attention de l’objet principal, & en auroient diminué lai beauté. »