Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

zîz ECO différens termes. Les cent soixante & dix écus que reçut le Corrège ne faisoient donc que la plus foible partie des sommes qu’il avoit reçues pendant le cours de l’ouvrage, & Raphaël qui vivoit dans un pays plus riche, & qui fut le plus richement payé de tous les peintres de son tems, ne reçut que douze cens écus d’or pour chacune des logés du Vatican. Le dernier pavement fait au Corrège fut, dit-on, la cause de sa mort ; il voulut porter lui-même toute la somme qu’il venoit de recevoir, & la fatigue lui donna une fluxion de poitrine.

Il commença, comme tous les autres peintres de son tems, par imiter uniquement la nature ; mais comme il étoit principalement touché de la grace, il purgea son dessin de toutes les parties tranchantes & angulaires. Il reconnut que les grandes formes contribuent à rendre un ouvrage gracieux ; il rejetta toutes les petites parties, agrandit les contours, évita les lignes droites & les angles aigus, & donna ainsi une certaine grandiosité à son dessin. Il le rendit élégant & large, il en varia les contours, & les rendit ondoyans, mais il ne fut pas toujours pur & correct.

« Il ne répandoit pas, comme Raphaël, qui lui est fort inférieur en cette partie, la lumière sur tout le tableau ; mais il plaçoit les jours & les ombres où il croyoit qu’ils feroient le meilleur effet. Si le jour tomboit naturellement sur l’endroit qu’il vouloit tenir éclairé, il l’imitoit tel qu’il le voyoit ; sinon, il plaçoit dans cet endroit un corps clair ou opaque, de la chair, une draperie, ou tout autre objet qui pouvoit produire le degré de lumière qu’il souhaitoit, &, par ce moyen, il parvint à la beauté idéale du clair-obscur. A cette partie du clair-obscur, il joignit une espèce d’harmonie, c’est-à-dire qu’il distribua son clair-obscur de façon que la plus grande lumière & l’ombre la plus forte ne se présentoient que sur une seule partie de les tableaux. Son goût délicat lui apprit que la trop forte opposition des lumières & des ombres cause une grande dureté ; aussi ne plaça-t-il pas le noir à côté du blanc comme d’autres artistes qui ont, ainsi que lui, cherché la beauté dans la partie dit clair-obscur ; mais il passa, par une gradation insensible, d’une couleur à une autre, mettant le gris obscur à côté du noir, & le gris clair à côté du blanc, de sorte que ses ouvrages sont toujours d’une grande douceur. Il se garda bien aussi de mettre ensemble de fortes masses de jour & d’ombre. S’il avoit à faire une partie très-éclairée ou très-fortement ombrée, il n’en plaçoit pas immédiatement à côté une autre de la même espèce ; mais il laissoit entre deux un grand intervalle de demiteinte, par lequel il ramenoit l’œil d’une grande tension au repos. Par cet équilibre des couleurs, l’œil du spectateur reçoit continuellement des sensations différentes, & il n’éprouve jamais de fatigue, parce qu’il trouve toujours des beautés nouvelles dans l’ouvrage qu’il contemple. »

Le Correge commença par peindre à l’huile, genre de peinture susceptible dune touche délicate & suave ; & comme son caractere le portoit à tout ce qui est agréable, il donna tout de suite un ton moëlleux à sès tableaux. Il chercha des couleurs transparentes pour représenter des ombres conformes à la nature, & adopta une manière de glacer qui fit paroître réellement obscures les parties ombrées. C’est à quoi l’on ne peut parvenir par les couleurs les plus sombres, si elles ne sont pas transparentes, parce que la lumière réfléchit sur leur superficie, & qu’elles ne représentent par conséquent qu’une couleur obscure, mais éclairée ; au lieu que les couleurs transparentes, absorbant les rayons de la lumière, représentent une superficie réellemént obscure. Il empâta fortement les rehauts, parce qu’ils doivent être d’une touche propre à recevoir un nouveau degré de la clarté du jour. Il s’apperçut que la lumière qui vient du soleil n’est pas blanche, mais jaunâtre, & que les reflets de lumière doivent tenir de la couleur des corps d’où ils rejaillissent : & ce fut ainsi qu’il parvint à la théorie de l’emploi des couleurs dans les trois parties, les jours, les ombres & les reflets. Mais c’est sur-tout dans la couleur de ses ombres qu’il faut chercher à l’imiter, car ses lumières sont trop claires & un peu lourdes, & ses chairs ne sont pas assez transparentes.

Le Corrège ne doit pas être choisi pour modèle, de toutes les sortes d’expressions. Né pour les graces, il ne pouvoit consentir a les abandonner, & il affoiblissoit toutes les affections qui tendent à les altérer. S’il peint la douleur, c’est celle d’un enfant qui sera bientôt remplacée par les ris ; s’il peint la colère, c’est celle d’une jeune & douce amante. Quant à la distribution, il chercha plus à placer ses figures de manière à fournir de grandes masses d’ombre & de lumière, qu’à les faire concourir à une expression générale.

Dans ses draperies mêmes, il a toujours en la grace pour objet. Il chercha plus les masses que l’expression & préféra l’agréable au beau. Ses draperies sont larges & légères ; mais les plis n’en sont pas savamment distribués ; quelquefois même, chez lui, les vêtemens cachent & coupent les figures. Mais il a été savant dans les couleurs des étoffes ; elles sont presque toujours moëlleuses, & s’il les choisit souvent d’une teinte sombre, c’est pour donner aux chairs plus d’éclat & de délicatesse.