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^44 Ë L E nos ayeux faisoient tant d’infortunés, lorsqu’ils vouoient leurs enfans à l’état monastique, avant qu’ils eussent non-seulement la moindre vocation, mais la connoissance la plus légère des obligations qu’on leur imposoit. Ce nombre de mauvais moines contribuoit sans doute à corrompre les mœurs, à avilir la religion ; & nos mauvais artistes multiplies contribuent déjà visiblement & contribueront de plus en plus à corrompre & à avilir les arts. Il est vrai qu’un mauvais peintre n’est pas enchaîné comme un religieux, par des vœux indissolubles ; mais, parvenu à trente ans, ne s’étant occupé qu’à gâter des couleurs, quelle ressourcc lui reste-t-il ! Je suis donc bien éloigné de vouloir exciter aujourd’hui les pères de famille à vouer leurs enfans aux muses, qui le plus souvent rejettent ces offrandes, ou plutôt ces victimes.

Pour vous, jeunes élèves, qui, doués de véritables dispositions, & du germe des talens, avez déjà droit de relever mes erreurs, souvenez-vous que rien n’est si noble que la carrière où vous entrez, mais qu’il faut des talens, de l’étude & des mœurs pour la parcourir honorablement & avec gloire. Le nom d’Élève, celui d’artiste ne distingue pas par lui-même ceux qui le portent, comme un diplôme donne un rang à ceux qui l’obtiennent ou même qui l’achétent. Le vertueux & médiocre apprentif d’un métier utile est plus recommandable que l’élève, peintre, sculpteur ou architecte sans talent, & qui par-là ne peut être que nuisible à la sociéte.

Enfin, de toutes les sortes de distinctions, la première est celle des vertus ; ensuite vient celle des talens ; mais si j’achevois cette énumération, je trouverois peut-être des incrédules. J’en reste à ce que je viens d’adresser à ceux que regarde plus particulièrement cet article, & j’ai inséré motArtiste plusieurs observations qui regardent aussi les élèves ; car l’état d’élève est se noviciat de l’ordre auquel ils ont le projet de se consacrer. (Artilcle de. M WATELET.)

ÉLÈVES . Les élèves, dans l’article précédent, viennent d’entendre la voix d’un amateur zélé ; qu’ils écoutent celle d’un professeur habile, M. Reynolds.

On peut considérer trois périodes dans l’étude de l’art. Le premier, est celui où l’on acquiert les élémens, c’est-à-dire, la faculté de dessiner tous les objets qu’on peut se proposer pour modèles, une certaine promptitude à manier le pinceau, une connoissance des règles les plus simples de la composition. Mais ces élémens ne sont encore que la grammaire de l’art. Quand on la posséde, on est au point de l’enfant qui sait parler, & rien de plus. On a ce qu’il faut pour s’énoncer ; mais pour attacher, pour plaire, pour instruire en parlant, il faut avoir des idées, & pour en avoir, il faut en acquérir : c’est ce dant on doit s’occuper dans le second période.

Pour acquérir des idées qu’il puisse combiner au besoin, le jeune artiste doit chercher à connoître le plus grand nombre qu’il est possible de bons ouvrages faits avant lui. Jusqu’à présent il n’a eu qu’un maître ; il va avoir pour maîtres tous les artistes illustres de tous les siècles. Les perfections de chacun d’eux seront les objets de ses méditations & de ses études. Ayant sous les yeux des exemples nombreux de beautés diverses, il ne tombera pas dans cette pauvreté de conception que l’on peut éprouver quand on ne connoît que les exemples d’un seul maître. Ce second période est encore un temps de sujetion. L’elève n’avoit auparavant qu’un seul précepteur ; il en aura plusieurs dont il devra écouter les leçons. Qu’il craigne sur-tout, s’il ne veut pas s’égarer, de s’engager dans un sentier où il n’appercevroit pas les traces de quelques-uns des anciens maîtres qui ont fondé la gloire de l’art.

Dans le troisième période, l’artiste est libre du joug de l’autorité, & n’a plus de maître que sa propre raison. C’est alors qu’il porte un jugement sur les différentes manières d’où découlent différentes sortes de beautés. Il s’est étudié dans le précédent période a connoître les perfections diverses des différens maîtres. Des idées réunies de ces perfections, il se formera une idée complexe qui sera celle de la perfection de l’art. Comme désormais il aura l’intelligence formée par la contemplation, il saura distinguer les perfections qui ne peuvent s’accorder entre elles, & ne se fatiguera pas à poursuivre un but qu’il lui est refuse d’atteindre. Enfin ce ne sont plus les artistes qu’il va comparer entr’eux ; c’est l’art qu’il va comparer à la nature.

On acquiert la faculté de bien parler dans la conversation fréquente des personnes qui parlent bien : de même, l’artiste qui aura suivi cette méthode aura la véritable éloquence de l’art, il en parlera le langage avec pureté, parce qu’il en sera formé par le commerce assidu des maîtres qui ont le mieux parlé ce langage.

Mais souvent, dès le premier période de l’éducation pittoresque, les élèves sont perdus pour l’art par l’imprudence du maître ou par l’exemple des compagnons d’étude. Loin d’avoir été préparé à l’observation, à la méditation, il a contracté, peut-être pour toujours, l’habitude d’une pratique non moins incorrecte que facile, mais séduisante par cette facilité même.

Au lieu d’encourager les élèves à se disputer entre eux à qui aura la main la plus expéditive, il faut les engager à se disputer à qui l’emportera par la correction & la pureté d’un contour. Au lieu de leur inspirer l’émulation de combattre à qui trouvera la teinte la plus brillante, à qui trompera l’œil par l’imitation d’une étoffe, il faut leur offrir pour but de leurs travaux de jetter savamment les plis d’un draperie, & de donner de la dignité à la figure humaine.