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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/423

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FABRIQUE, (subst fém.) signifie, dans le langage de la peinture, tous les bâtiment, toutes les constructions dont cet art offre la représentation, soit comme objet principal, ainsi qu’on le voit dans les tableaux d’architecture, soit comme lieu de la scène & ornement du fond d’un tableau d’histoire, soit enfin comme richesse & embellissement des paysages.

Ce mot réunit donc, dans le sens étendu qu’il présente, les palais & les cabanes ; mais par une singularité attachée à quelques arts d’imitation, tandis que, dans la réalité, on admire les beaux édifices, & qu’on regarde avec dédain les masures ou les chaumières, on voit souvent avec assez d’indifférence la représentation d’un palais. L’artiste qui la met sous nos yeux nous ennuie, tandis qu’on se sent attaché par la peinture des ruines d’un grand édifice, ou intéresse par celle d’une simple & pauvre cabane.

S’occuper à rechercher tout ce qui peut occasionner cette différence d’affections, seroit peut-être une occasion de démêler plusieurs nuances assez fines de nos sentimens moraux ; mais pour ne pas trop m’écarter de mon sujet, je me contenterai d’abord de dire que l’imitation d’unefabrique régulière, & par conséquent symmétrique, quelque riche qu’elle soit, n’offre à l’art & à celui qui regarde l’ouvrage, qu’une uniformité à laquelle il est bientôt indifférent, & qui dès-lors l’ennuie ; au lieu que les destructions présentent au peintre & a l’amateur des tableaux, des accidens innombrables, qui donnent lieu au premier d’exercer son talent, en offrant au second des variétés qui l’attachent.

Cette cause, efficace sans doute, a donné dans la peinture un tel avantage aux ruines, ouvrage du tems, & aux chaumieres construites par la pauvreté, qu’il s’est trouvé de tout tems des artistes qui s’y sont consacrés presque exclusivement ; ensorte qu’on les designe sous le nom de peintres de ruines, & même de peintres de baraques. Les accidens pittoresques, attachés aux destructions & à la pauvreté, l’emportent en effet sur ceux de la perfection conservée & de la richesse fastueuse ; & jusques dans les imitations dont on embellit avec ant d’affection aujourd’hui les jardins qu’on appelle à l’angloise, on donne la préférence aux donjons ruinés, aux pontsbrisés & aux baraques même, sur les constructions régulières. Seroit-ce, indépendamment de la raison que nous avons donnée relativement à la peinture, que dans ces jardins où la destruction devient un ornement, le luxe per-


sonnel veut jouir à son aise & à son gré des contrastes qui lui font mieux sentir les avantages qu’il possède ; ou bien que ce luxe, dédaignant & redoutant la peine d’aller observer les cabanes véritables, qui n’inspirent, par l’état de leurs habitans, que des sentimens pénibles, aime mieux en former des représentations, qui laissent l’ame des riches dans sa tranquillité ?

Pour revenir à des observations plus relatives à la peinture, je m’en tiendrai à dire que la régularité des édifices fait que, d’une part, on les voit comme d’un coup d’œil, parce que les parties symmétriques se supposent les unes les autres, dès qu’on a fixé le regard sur une d’entr’elles ; & encore parce que les lignes droites, qui sont multipliées dans ce genre d’ouvrage, deviennent froides dans la représentation, sur-tout lorsque cette représentation se présente long-tems aux yeux du spectateur ; d’ailleurs la couleur a nécessairement une uniformité générale dans un édifice qui n’a éprouvé aucune altération. & enfin, un édifice régulier, & d’une conservation parfaite, n’offre rien qui rappelle aucune idée de mouvement ; tandis que ce même édifice en ruines fait naître l’idée des destructions dont il est encore menacé : il offre mille accidens qui rappellent l’idée de sa chûte, & dont la variété contraste avec ce qui subsiste encore.

C’est aussi une source de plaisir que de voir des assemblages d’objets qui ne doivent pas se rencontrer ensemble. Un arbre qui est né & qui élève sa tête à travers les débris, fait évaluer le tems de ce désordre ; les plantes qui se font jour dans les fentes ou dans les joints des pierres énormes qu’elles désassemblent, par le seul mouvement, si foible en apparence, d’une végétation progressive ; les eaux, qui, arrêtées par des débris de colonnes, de voûtes, de statues, reflétent les couleurs de la verdure, les tons des matériaux vieillis & enrichis d’une variété de teintes, favorables à la peinture ; voilà une légère idée de ce qui attache les peintres à ces accidens, & les amateurs de la peinture à ces représentations.

Mais indépendamment des artistes qui se fixent à ces images, les peintres de paysage & d’histoire, comme je l’ai dit, sont souvent obligés de faire entrer des fabriques dans leurs compositions. Les scènes & les fonds d’une infinité de sujets, vrais ou fabuleux, doivent en être enrichis. Les observations qu’on peut faire à cet égard, se réduisent à quelques