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de l’objet a passé au peintre, passe encore à ceux qui voyent son tableau.

Une nation vive & légère est susceptible de feu & de chaleur ; je ne sçai si l’enthousiasme ne tient pas à des impressions plus concentrées. Les Grecs ont donné des preuves d’enthousiasme, les Italiens de chaleur ; nous avons souvent un feu qui approche de l’un & même de l’autre. On se fait quelquefois enthousiaste par l’effet d’un feu subit & de peu de durée. On pourroit donc distinguer une différence entre la signification d’enthousiaste & l’idée qu’inspire le mot enthousiasme. Je ne dois pas m’étendre davantage sur ces nuances délicates dans lesquelles il est trop facile de se tromper ; mais je dois, d’après mon plan, adresser quelques observations à la jeunesse des arts.

Si vous vous sentez pleins de feu avant de commencer à peindre, mefiez-vous souvent, jeunes artistes, de cette flamme trop prompte. Pour qu’elle soit durable, il faut qu’elle s’allume graduellement par le travail même.

Si vous êtes froids en travaillant, réfléchissez à tout ce que votre sujet peut comporter d’intéressant ; mais si ce moyen n’est pas suffisant, sortez de votre attelier, allez voir la nature, ou d’excellens ouvrages. Les efforts que vous feriez seroient stériles, ils seroient même dangereux ; car les efforts énervent d’autant plus qu’ils ont moins d’effet. (Article de M. Watelet.).

FEU . Le feu dans les écrits (on peut ajouter dans les ouvrages des arts) ne suppose pas nécessairement de la lumière & de la beauté, mais de la vivacité, des figures multipliées, des idées pressées. Le feu n’est un mérite dans le discours & dans les ouvrages, que quand il est bien conduit. On a dit que les poëtes étoient animés d’un feu divin quand ils étoient sublimes ; on n’a point de génie sans feu ; mais on peut avoir du feu sans génie. (Article de M. de VOLTAIRE dans l’ancienne Encyclopédie.)

Ce qu’on appelle feu dans les arts est souvent ce qu’on devroit appeller prestesse de composition, facilité d’exécution, absence de réflexion & de jugement.

Le feu est toujours vif, mais la vivacité n’est pas toujours du feu ; elle peut n’être qu’une turbulence puérile, une pétulence insensée.

Quelquefois on prend pour un feu divin pour un sublime enthousiasme, ce qui seroit mieux qualifié de fureur.

Raphaël qui se représentoit les personnages tels qu’ils devoient être dans la situation où il vouloit les peindre, qui se pénétroit de l’affection intérieure dont ils devoient être animés, avoit un feu bien plus vrai que tant de peintres dont on a vanté la chaleur parce qu’ils éprouvoient des mouvemens désordonnés, & les faisoient passer dans leurs compositions.


Le mot feu, quand on parle des écrivains & des artistes, peut être regardé comme synonyme du mot enthousiasme, qui lui-même signifie la présence intérieure c’un Dieu : mais le sage qu’un Dieu semble animer n’a-t-il pas un plus véritable enthousiasme que l’énergumene qui écume comme la Pythie ?

Ces mots feu, enthousiasme, ont perdu bien des artistes & des écrivains, qui ont cru que le désordre, l’absence de la raison, le mépris des principes & des convenances étoient de l’enthousiasme & du feu. (Article de M. Levesque.)

FI

FIDÉLITÉ (subst. fém.) La fidélité dans les arts est une vérité d’imitation ; mais cette vérité doit être relative à l’intention de l’artiste & se trouve subordonnée aux moyens de l’art.

Le peintre qui pense que pour & être fidèle dans la représentation d’un objet, il est nécessaire d’en imiter avec une recherche minutieuse les plus petits détails, est dans la même erreur que le poëte qui, dans ses récits, se croit obligé de décrire les plus petites circonstances ou les plus petits accidens.

La fidélité louable que le Peintre doit à la nature, est de rappeller, par l’imitation qu’il en fait, les principales sensations qu’elle occasionne, les principaux effets qu’elle nous transmet, & par conséquent ses formes les plus caractéristiques, relativement à l’intention qu’il a, s’il est libre, ou à la destination de son ouvrage, si cet ouvrage lui est demandé.

D’après ce que je viens de dire, il est donc des occasions où la sidélité minutieuse que j’ai blâmée généralement, deviendra louable. Tel est jusqu’à un certain point, le genre du portrait ; telle est la représentation des fleurs, des fruits, des plantes, des insectes ; celle enfin des objets qu’on destine à instruire de quelque découverte scientifique, ou comme je l’ai indiqué, en nommant les fleurs & les fruits, lorsqu’il s’agit de représenter des objets inanimés, dont l’imitation n’a d’intérêt que cette fidélité, qui s’étend jusqu’à l’exactitude.

La fidélité la plus minutieuse devient le premier des devoirs quand on dessine ou peint quelques objets de la nature pour servir à l’étude de l’histoire naturelle. On demande alors l’imitation la plus exacte, & non de l’intérêt, ou plutôt cette exactitude est alors le plus grand intérêt dont ces objets soient susceptibles.

Plus les objets qu’on peint se trouvent dénués de mouvement, d’action & d’expression, plus la fidélité dans les détails devient indispensable.

Cette fidélité consiste alors principalement dans l’exactitude des formes, de la couleur & dans la représentation des accidens.