Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/432

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F I D Un artiste qui borne son talent à représenter des ustensiles, des vases, des instrumens, des étoffes, des tapis, des animaux morts, des mets préparés pour la nourriture, est sans ressources pour inspirer ce qu’on entend par intérêt ou sentiment, puisqu’i1 n’a à représenter aucune action, même aucun mouvement. S’il ne fait donc que rappeller d’une manière vague ces fortes ; d’objets, cette nature qu’en terme d’art on appelle la nature-morte, son ouvrage me laissera dans une indifférence absolue. Mais si je suis arrêté par une grande fidélité d’imitation, par une vérité extraordinaire qui me représente la forme générale & particulière d’un objet, les qualités visibles & palpables dus substances qui le composent, les détails accidentels dont ils sont susceptibles ; alors un amusement mêlé d’étonnement de curiosité prend la place de l’intérêt véritable que je ne puis espérer. Je me plais à voir l’art disputer avec la nature ; je sens une surprise agréable à remarquer la difficulté surmontée, & je suis complettement satisfait, si je me suis vu tout près d’être trompé.

Par exemple, si le relief d’un médaillon de sculpture est imité avec tant de fidélité, que je fois tenté d’y porter la main, pour décider mon jugement, cette incertitude momentanée, cette erreur de mes sens me fait sourire, en me donnant un plaisir auquel je ne m’attendois pas ; car l’erreur des sens ne blesse pas l’amour-propre comme l’erreur de l’esprit. Si dans la représentation peu intéressante d’un tapis, je crois appercevoir le velouté de la soie ou de la laine & les points du tissu, j’admire un art qui me fait une illusion dont j’ai peine à me défendre ; si, dans l’image d’un lièvre mort, je crois sentir la molesse & la finesse du poil ; dans un oiseau, le duvet de la plume, je me complais à recevoir, par la vue, les sensations que je n’attendois que du toucher. Il en est ainsi du desir que j’aurois de manger la pêche que m’offre un tableau, de sentir la rose qui y est peinte.

Voilà, en général, les considérations qu’on peut faire sur la fidélité de la peinture, & elles peuvent être appliquées en partie à la poésie, & même à presque tous les arts libéraux.

La fidélité de la poésie imitative consiste à faire passer à l’esprit, par l’organe de l’ouïe, quelques-unes des impressions que feroient éprouver aux autres sens les objets que décrit le poëte.

L’imagination, aidée par l’harmonie imitative, aime aussi cette sorte d’illusion, à laquelle elle se prête avec indulgence. Elle fait volontiers les frais nécessaires pour se représenter les traits, les actions, les objets que rappellent certains sons, certains rhythmes, & confondant les droits particuliers de chacun des sens, elle croit voir & toucher même, tandis qu’elle ne fait qu’entendre.


La fidélité des récits est, à plusieurs égards, de la même nature. Aussi, lorsque celui qui raconte & qui décrit n’a pas d’impressions intéressantes à faire passer dans l’ame de ses auditeurs, ou de ses lecteurs, on aime de lui les détails les plus exacts, des descriptions fidèles jusqu à être serviles ; l’éloquence & la poésie ont leurs portraits & leurs peintures de genre, ainsi que l’art dont je traite.

On seroit donc moins fidèle qu’il ne convient, en mettant dans les grands genres la fidélité minutieuse qui ne convient qu’aux genres moins importants, & l’on ne peindroit pas convenablement ces genres, si, pour se montrer trop grand peintre, on ne donnoit pas l’idée des details qui en font l’intérêt.

Il est vrai cependant qu’il est dans la peinture un art de faire imaginer des détails qui, à l’examen, ne se trouvent qu’habilement indiqués. Cette maniére vraiment magique, est celle de quelques peintres supérieurs aux genres dont ils se sont occupés : d’ailleurs les ouvrages de ces magiciens ont cependant besoin d’être vus à une certaine distance, & la nature de plusieurs des objets dont j’ai voulu parler engage à examiner les imitations qu’on en fait d’aussi près qu’on se plairoit à observer les modèles. On approche de ses yeux une rose ; on veut en approcher la représentation. C’est ce qui fait qu’on exige naturellement un plus grand fini dans le portrait d’une jeune fille que dans celui d’un vieillard : l’une de ces imitations peut-être heurtée, l’autre demande à être caressée.

Mais venons à quelques conseils de fidélité pour les jeunes artistes. Il n’est pas hors d’œuvre de leur prêcher quelquefois cette vertu.

Soyez fidèle quant à votre art généralement, aux formes & aux effets constitutionnels & caractéristique.

Les formes constitutionnelles d’unefigure sont celles qu’elle reçoit de sa charpente, celles que lui donnent indispensablement ses os, leurs jointures & les muscles qui les sont agir.

Les formes caractéristiques font distinguer par leurs différences les âges, les sexes & les tempéramens.

Les effets constitutionnels sont les effets qui accompagnent habituellement les objets.

Les effets caractéristiques sont ceux qui sont les plus relatifs à l’intention que vous avez en peignant tel ou tel objet, ou à la destination de votre ouvrage.

Votre fidélité doit donc consister, par rapport aux formes, à vous attacher principalement a celles qui constituent le mieux l’objet, relativement au genre que vous traitez ; & quant aux effets, à vous fixer à ceux qui doivent le mieux exciter la sensation que vous desirez