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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/443

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qu’on employe ses couleurs avec précaution, & qu’elle ne soient salies, ni par les objets extérieurs, ni par l’indécision ou par la fatigue du faire.

Cette finesse suppose aussi préalablement une étude méditée des effets de la couleur, de ceux de la lumière, de la valeur juste des tons, de leurs mélanges, de leurs dégradations, qui sont les bases de l’harmonie pittoresque.

Une main légère, une vue juste, un sentiment délicat déterminent & opèrent la finesse de la touche. Un peu trop forte, trop appuyee, trop indécise, elle ne mériteroit pas le nom de fine.

L’excellence du goût dans les autres arts libéraux, renferme l’idée de cette finesse. Une pensée fine, une tournure, une expression fines dans le discours, une harmonie fine dans la prose, dans les vers, dans la musique, sont l’équivalent de ce qu’est un caractère fin dans les détails & les profils d’un ouvrage d’archirecture, ou dans les contours d’une belle statue. Cette perfection dépend d’un goût ou d’un tact très-délicat, qui, plus sensible, ou plus exercé, évalue plus précisément les rapports des parties, décompose, pour ainsi dire, les sensations, ou bien les divise avec justesse, parce qu’il en apperçoit toutes les nuances.

Cette finesse d’exécution dans la pratique des arts convient, & se trouve plus ordinairement dans les moindres genres ; comme on voit aussi les hommes les moins robustes & les ames les moins fortes être souvent doués, par compensation, de certains agrémens, de certaines délicatesses, & d’une sensibilité d’organes particuliere.

Le véritable mérite des grands talens & des grandes ames est la force de sentiment, l’énergie de caractère. Enfin, les genres de peinture susceptibles de finesse, sont destinés à flatter les sens ou l’esprit ; les grands genres, les grandes manières doivent émouvoir fortement & entraîner.

Les sociétés très-civilisées, disons amollies par le luxe, sont ordinairement douées de plus de finesse : elles sont plus sensibles à la délicatesse qu’a l’énergie.

La a finesse enfin est, en quelque sorte, la perfection de la foiblesse, & ceci peut s’appliquer à tous les arts, aux hommes & peut-être aux nations.

Quand, dans les arts, le mot finesse se rapporte à l’expression, il prend alors le même sens que dans le langage ordinaire, lorsqu’il se rapporte à la physionomie. On ne dira donc pas que le peintre a finement saisi, rendu avec finesse l’expression de la colère, de la crainte, de l’horreur ; mais on dira qu’il a rendu finement une expression spirituelle qu’il en a saisi toute la finesse, qu’il l’a représentée avec finesse.

Vos écueils, jeunes artistes, si vous êtes por-


tés à la finesse du faire plus qu’à l’énergie, sont la maigreur, le froid & la diminution graduelle de votre talent. D’un autre côté, les avantages que vous pouvez tirer de la finesse, sont la correction du trait, le précieux des contours, le spirituel & la légèreté de la touche.

Une ligne sépare la louange que vous pouvez mériter de la critique à laquelle vous pouvez être exposés. La finesse du pinceau est bien près d’être appellée foiblesse, comme le style fin d’être appelle manièré.

Ne renoncez pas cependant au mérite que vous pouvez trouver dans la finesse, si vous vous sentez au-dessous de la force ; mais il ne faut pas vous laisser ignorer que le plus grand avantage dans les talens, ainsi que dans le monde, est pour la vigueur & l’énergie. Il est possible, dans les talens, que l’artiste vigoureux devienne fin ; il est impossible que de la finesse on passe à la force : en tout genre, on descend plus facilement qu’on ne monte. (Article de M. Watelet.)

FINIR, (verb. act.) terminer un ouvrage autant qu’il doit l’être. Ce tableau est bien fini. Ce peintre ne sait pas finir ses ouvrages. Quelquefois le participe fini se prend substantivement ; on dit, ce tableau est d’un grand fini, d’un fini précieux.

Un tableau est fini, quand il est parvenu au point d’imiter la nature. Dans la peinture tout est mensonge jusqu’au fini ; ainsi un ouvrage est terminé quand il paroît l’être de la place où il doit être vu. Un tableau fini, parce qu’il doit être placé loin de l’œil du spectateur, ne seroit qu’une ébauche s’il devoit être vu de près. Ainsi, un ouvrage dont les objets sont d’une proportion collossale, & qui doit être placé à une fort grande distance de l’œil, est fini quand il semble l’être au spectateur placé à une distance convenable. Un plafond peint à fresque par grandes masses établies au premier coup, peut être aussi fini, relativement à son objet, qu’un petit tableau de Metzu ou de Mieris.

On sent qu’un petit tableau qui doit être placé près de l’œil demande à être fini, parce qui le spectateur s’appercevroit qu on ne fait que lui indiquer ce qu’on s’engage à lui montrer. Mais il faut distinguer le fini du léché : le léché est froid, il est sec ; le fini n’exclut pas la chaleur, il l’exige même, puisque c’est en finissant que le peintre établit les touches fortes & mâles, & les vigueurs qui donnent la vie à un ouvrage de l’art. On peut dire que le léché, qui est confondu avec le fini par le vulgaire des amateurs, a précisément le défaut de n’être pas assez fini, puisqu’il y manque le dernier travail qui devroit animer l’ouvrage, & cacher la peine qu’il a donnée à l’auteur. Qu’on regarde de près un beau portrait de Latour, il