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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/444

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semble que le peintre se jouoit avec ses pastels : mais ce jeu par lequel le savant artiste imprimoit à la toile la vie & la passion succédoit à une étude peinible & réfléchie, & c’étoit cette étude qui lui donnoit l’aisance de le jouer en assurant par les dernières touches le caractère des formes & des expressions.

Le fini excessif est contraire à ce que l’artiste se propose. Son objet est d’imiter la nature, & ce fini l’éloigne de la justesse de cette imitation, parce qu’il lui fait perdre ce vague, cette incertitude, cette vapeur qu’offre la nature, & qui doit se trouver dans l’ouvrage de l’art.

C’est mentir contre la nature que de finir séchement ce qui chez elle est moëleux, & froidement ce qu’elle anime de sa chaleur ; c’est mentir contre la nature que de décider les objets plongés dans l’ombre comme ceux qui sont exposés à la lumière ; c’est mentir contre la nature que de bien arrêter les formes des objets éloignés ; c’est mentir contre la nature que de ne pas exprimer le vague que porte sur les objets la vapeur dont l’air est toujours plus ou moins chargé : & s’il faut absolument se permettre le mensonge, c’est pêcher contre l’art que de ne pas adopter la manière de mentir qui suppose le plus d’art, de suivre une manière froide qui contrarie à la fois & la chaleur qui doit être dans l’ame d’un véritable artiste, & la fin de l’art qui est d’échauffer le spectateur, & la nature qui n’est jamais froide.

On finit souvent bien mieux un ouvrage par des sacrifices. & par des touches justes & savantes, que par les opérations lentes & difficiles d’une froide patience.

Comme les diverses parties d’un grand tableau sont à des distances fort différentes de l’œil du spectateur, elles ne demandent pas toutes le même fini. La partie inférieure, plus voisine de l’œil, doit être plus terminée que la partie supérieure.

Il y a des peintres, & sur-tout des peintres de portraits, qui finissent avec le soin le plus recherché les draperies & d’autres accessoires qu’ils peuvent tenir tant qu’ils veulent sous leurs yeux, & qui terminent beaucoup moins les chairs, parce que les gens qui se font peindre n’ont pas la patience de poser comme des mannequins. Ce défaut d’accord dans le fini pêche contre l’art & la nature.

On aime en général à voir des ouvrages dont l’auteur satisfait ses juges en leur montrant en quelque sorte plus qu’il n’a fait, où il égale l’effet du rendu précieux par des indications savantes, où au plaisir de voir une belle chose, se joint celui de voir une chose faite aisément, où un grand effet semble être produit par un petit nombre de moyens. On peut comparer les artistes qui ont ce talent aux écrivains qui offrent en quelque sorte au lecteur plus de pensées que de mots, & qui lui sont naître encore plus de pensées qu’ils n’en ont écrites.

Cependant les facultés des artistes diffèrent aussi bien que le goût des amateurs. Il ne faut donc pas être exclusif, & ce seroit une injustice de refuser toute estime aux ouvrages qui plaisent sur-tout par la beauté du fini. Je dis beauté, car c’en est une, & elle a par conséquent droit de plaire ; mais on ne sera pas injuste si l’on préfère la beauté qui semble créée, à celle qui paroît être le fruit d’un travail opiniâtre, & l’ouvrage du génie, ou même du talent facile, à celui de la patience. (Article de M. Levesque.)

FL

FLATTER (verbe act.) se dit des peintres de portraits quand on suppose qu’ils font les représentations plus belles que les originaux. Ce peintre flatte toutes les personnes qu’il peint ; les femmes aiment à ‘être flattées dans leurs portraits.

Comme il n’est pas possible au peintre de donner à sa copie la vie dont l’original est animé, comme il n’est pas moins impossible qu’il n’affoiblisse pas en représentant une personne d’esprit cette expression vive & fine qui est plus belle que la beauté, ne lui est-il pas permis de chercher une compensation, en diminuant les défectuosités de quelques traits, sans nuire à ce qui doit faire reconnoître la personne représentée ? Le blâmera-t-on quand il ôte d’un côte, de chercher à donner quelque chose de l’autre ?

Quelquefois on appelle flattés des portraits vagues, dans lesquels aucun trait n’est accusé avec précision, & qui non-seulement ne ressemblent que très-imparfaitement à la personne qui s’est fait peindre, mais même à une figure animée. Loin d’être flattés, de tels portraits sont toujours fort au-dessous de la beauté de la nature, qui n’est réellement belle que parce qu’elle vit.

Il n’est point accordé à l’art de flatter une femme qui a de la grace & un homme qui a de l’esprit.

Faire de grands yeux sans expression, de petites bouches sans mouvement, un sourire sans finesse, des joues arrondies sans être belles, des fronts comme la mode veut qu’on les ait, abandonner enfin la nature pour des conventions passagères, tels sont les moyens grossiers qu’ont employés bien des peintres dans l’intention de flatter. Les gens du monde les appellent des flatteurs, & les artistes ne voyent en eux que des destructeurs des beautés de la nature.

Saisir, autant qu’il est possible à l’art, l’expression de la nature, en supprimer les petites formes qui ne marquent que sa dégradation, en adoucir les défauts, ce n’est pas flatter ;