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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/452

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F ON entendu le pittoresque. On voit peu de beaux fonds de Michel-Ange, du Dominiquin & même de Raphaël. Berrettini de Cortone, Luca Giordano, Rubens, & chez nous Jouvenet, Detroy fils, &c. sont dans cette partie des modèles qu’on peut offrir aux jeunes artistes, & des exemples à citer aux amateurs qui veulent étudier & connoître les détails de la peinture. (Article de M. Robin.)

FONDRE. (verb. act.) Fondre les couleurs signifie les unir les unes avec les autres de manière que cette union, agréable à l’œil, s’accomplisse comme insensiblement.

Cette opération par laquelle on mêle ensemble les parties de deux couleurs qui se touchent, se fait en promenant doucement la brosse de l’une à l’autre, jusqu’à ce qu’elles n’offrent aux extrémités où elles s’avoisinent rien de dur, rien qui blesse la vue en altérant l’harmonie. La dégradation de la lumière, l’interposition de l’air, & sur-tout les reflets opèrent à nos yeux cette fonte dans la nature colorée.

Dans chaque objet, il n’y a toujours qu’un seul point qui se trouve directement frappé de la lumière & qui présente sa couleur en quelque façon pure & dans tout son éclat. Les autres points, en s’éloignant de celui dont je viens de parler, perdent de proche en proche des dégrés imperceptibles de cette pureté & de cet éclat de la couleur locale ; mais les parties de cet objet coloré éprouvent en approchant d’un autre dont la couleur est différente, un mêlange qu’occasionnent les rejaillissemens mutuels de rayons colorés, qui se sont sans doute par l’effet de l’incidence rapide & continuelle de la lumière.

Cette union des couleurs dans la nature s’opère donc avec une dégradation & des mêlanges si insensibles & si doux, qu’il semble que toutes les teintes, tous les passages soient fondus, & pour ainsi dire amalgamés comme différens métaux qui se pénètrent par l’effet de la fusion.

Telle est la manière générale dont opère la nature. Les développemens, les substitutions de substances les unes aux autres, les accroissemens, les déperissemens, la plupart des mouvemens & des révolutions qui ne sont pas trop accidentelles & convulsives sont tellement fondues que les points de tems & de distance qui les séparent trompent nos observations, & que les nuances de ces progressions échappent à la curiosité & à la perspicacité humaine.

Mais ces réflexions sont moins utiles aux jeunes artistes que quelques conseils qu’on peut leur répéter sur la fonte des couleurs.

Faites-vous un plaisir, vous dira l’artiste qui vous guide, d’observer & d’admirer cette fonte parfaite dont la nature colorée reçoit tout son charme, & dont elle vous présente sans cesse le modèle. C’est par de continuelles observa-


tions que vous apprendrez à discerner les différentes teintes dont chaque couleur est susceptible.

Vous vous appercevrez qu’elles sont innombrables & qu’elles ne peuvent se discerner sensiblement que par l’habitude de les observer.

Vous connoîtrez enfin que l’organe de la vue qui est la base de vos talens, peut recevoir un perfectionnement dont vous n’aviez pas l’idée, & dont les hommes qui croyent avoir la vue la plus parfaite, sans l’avoir cependant employée à ces observations, ne se doutent pas.

Rien n’est si ordinaire aux hommes dont je parle que de penser qu’un vase blanc, par exemple, un beau linge, une feuille de papier, sont d’un blanc à peu-près égal dans toute leur étendue. Qu’ils vous consultent & vous leur démontrerez, les pinceaux & les couleurs à la main, que pour imiter exactement ces objets, il faut que vous formiez cent nuances différentes, & que le banc pur le votre palette ne peut & ne doit trouver place que dans quelques touches où il designe le plus grand éclat que la lumière peut répandre sur une surface blanche.

Vous devez déduire de ces observations sur votre art (& cette déduction, quelqu’étendue qu’elle paroisse, n’est pas inutile pour vous) que vos sens, quelque parfaits que vous les donne la nature, sont, ainsi que votre esprit & votre intelligence, susceptibles d’un perfectionnement qui ne s’acquiert que par des soins & par l’habitude de les exercer.

Mais pour revenir aux sens, si vous aimez la musique (car assez ordinairement les favoris de la peinture ne sont point étrangers aux autres arts, & le goût pour tous ceux qu’on nomme libéraux, peut être regardé comme un signe de vocation.) Si vous aimez donc la musique, vous avez dû vous appercevoir combien l’ouie acquiert de justesse, de sensibilité, de finesse, en s’exerçant à entendre attentivement les sons modulés pour apprécier leurs intervalles, leurs nuances & leurs dégradations.

Les sons, sous l’archet de Tartini & de ses élèves, se fondoient, pour ainsi dire, les uns dans les autres, comme les couleurs de la nature se fondent par l’effet du clair-obscur.

Cependant cette dégradation insensible n’est pas aussi usitée dans la musique que dans la peinture, ni si absolue, puisqu’on procède dans l’art des sons par intervalles séparés sensiblement & qui doivent rester purs, sans pouvoir participer réellement l’un de l’autre : mais ces sons doivent le plus souvent être liés les uns aux autres par une espèce de fonte délicate qui fait une des perfections de l’exécution.

D’ailleurs on doit encore observer que la vue est plus continuellement exercée à l’effet des dégradations qui s’offrent sans celle à elle, que l’ouie, qui reçoit presque sans cesse des