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F O N menté, il faut que le fond du tableau se caractérise par la grandeur & la simplicité de son plan. Pour ce dernier précepte on peut citer comme exemple le martyre de Saint-Gervais de le Sueur, & la Pentecôte de Blanchard, & pour le premier le Sacrement de l’Ordre du Poussin, &c.

La même règle doit être observée pour les formes. La composition des figures présente-t-elle plusieurs mouvemens, comme le Lazare ressuscité, les vendeurs chassés du temple de Jouvenet, on en fait valoir les formes diverses, comme il l’a fait, par des fonds grands & simples ; dans le repas chez le Pharisien, le même peintre anime le sujet par le fond, & multipliant ses plans, & les intervalles, il paroît multiplier les figures par les espaces.

Le même principe des contrastes a lieu par rapport aux effets. Le fond du tableau doit présenter de larges lumières & de grandes masses d’ombres, si la disposition des figures a exigé plusieurs foyers de lumière. Si au contraire les effets sont simples dans la composition des figures, alors on l’anime en multipliant les effets du fond. Le couronnement de Marie de Médicis, au Luxembourg, offre un exemple clair de ce principe. Rubens est un homme qu’on cite toujours avec avantage dans la composition pittoresque.

Souvent le fond détermine l’effet général de la scène. Du trou d’un rocher, de l’ouverture d’une croisée, ou de l’espace d’un entrecollonnement, sort le trait de lumière qui conduit l’œil du spectateur sur l’endroit où l’artiste veut porter le principal intérêt.

Le fond qui sert aux masses, sert encore dans les détails à faire valoir les figures. Les variétés d’effets que produisent les nuages, les teintes de l’architecture, celles des rideaux qui s’y joignent, les divers tons des arbres, tous ces objets formeront des moyens de faire faillir les objets, d’augmenter ou de diminuer leur valeur, suivant le choix qu’on’ fera de leur couleur & de leur dégré de lumière.

Le fond fait encore valoir les objets, en présentant des masses ombrées au-dessus, ou à côté des masses claires, & réciproquement des masses claires devant, ou au-dessus des masses ombrées, de manière que l’œil ne trouve point de grandes lignes brunes ou lumineuses qui traversent toute l’étendue du tableau ni dans le sens perpendiculaire, ni dans le sens horizontal. Le jeu & le charme d’une composition pittoresque dépendent de l’emploi varié & contrasté des masses subordonnées à la masse générale.

C’est ici le lieu de parler du fond dans un portrait. Les gens peu instruits le regardent commo facile, sur-tout dans un uste ; à ce propos, on peut rappeller le mot de Rubens à


quelqu’un qui, dit-on, lui conseilloit de faire exécuter un fond par un élève : celui, répondit ce grand homme, à qui je confierois le fond à faire seroit d’abord en état de faire la tête ; & en effet quel brillant, quelle saillie, quel mouvement, quelle puissance n’acquiert pas une tête peinte par un homme habile lorsqu’il lui a donné le fond qui lui convient ! De Piles conseille d’y multiplier les teintes de couleurs. Il avoit observé de tels fonds dans quelques têtes de Rembrant, & de cette pratique il faisoit un principe général. Cependant le seul cas où le fond admet une grande diversité de teintes, c’est lorsque la tête est faite dans ce genre de travail. Si au contraire le goût du coloris est simple dans la tête, le fond doit l’être aussi. Car s’il ne règne pas un grand rapport de coloris entre objet & son fond, il n’y a plus d’accord dans le portrait.

L’analogie est très-essentielle encore dans le style de l’exécution. Si, dans les figures, elle est nette, heurtée, fondue, qu’un pareil méchanisme ait lieu pour le fond.

Ce principe me conduit à examiner une question sur laquelle on a généralement trop tranché pour la négative ; savoir si l’on peut raisonnablement faire exécuter le fond de son tableau par une main étrangère. Il est certain que si l’artiste choisi pour faire un fond, par exemple, à un tableau d’histoire, lui donne une teinte arbitraire, & l’exécute d’un manière opposée à celles des figures, il vaudroit mieux que ce fond fût médiocrement fait par l’auteur du tableau ; mais si, comme M. Machy l’a fait dans quelques-uns des tableaux de Carle Vanloo, l’architecture est peinte d’une manœuvre & d’une teinte analogues à celles de l’ouvrage, alors nous tiendrons pour l’opinion contraire. Nous avons vu des fonds de paysages de Patel dans des tableaux de le Sueur, où des yeux bien exercés pouvoient seuls appercevoir la différence des mains qui avoient fait l’ouvrage.

Les routes de l’art des fonds que nous venons de faire parcourir à nos lecteurs, semblent nous dispenser de nous arrêter long-tems sur ce qui tient à l’expression. Qui ne sentira pas d’après tous les rapports que nous venons d’établir entre les figures & le fond du tableau, que l’expression peut en être détruite, ou en devenir plus vive ? La disposition d’un riant bosquet, un percé de ciel frais ajoutera à la tendre passion de l’Aurore lorsqu’elle s’abandonne aux caresses de Céphale. Des plans très-simples, des masses énormes, des jours très-rares, ajouteront aux horreurs de la prison qui enferme le triste & innocent Joseph.

L’art des beaux fonds n’a pas toujours été celui des plus grands maîtres, parce que les peintres les plus purs, les plus occupés de l’excellence des formes ne sontm pas ceux qui ont le mieux