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ration, il prend ses pinceaux, broye ses plus précieuses couleurs, se voue à imiter le charme & l’éclat des ouvrages précieux de la nature. Le voilà devenu peintre de fleurs ; &, par la richesse inépuisable que cette nature si riche & si variée sait répandre sur toutes les espèces qu’elle a produites, l’artiste qui se consacre à ce genre particulier voit s’ouvrir devant ses pas une carrière qu’il désespère de pouvoir parcourir dans toute son étendue. Cependant il associe souvent aux fleurs les animaux : il donne la préférence aux oiseaux & aux papillons, semblables à des fleurs mouvantes, qui le disputent d’éclat, de brillant & qui l’emportent quelquefois sur celles auxquelles ces êtres semblent venir se comparer mais pour revenir à nos chevaliers que j’ai transformés en artistes, ils ont enfin jetté leurs regards curieux à travers quelque feuillages my sterieusement disposés. Ils ont apperçu deux amans ; &, nouveaux Albanes, ils deviennent les peintres d’histoire les plus heureux en modèles. Ils ne voyent plus ses arbres qu’en masses peu détaillées : les eaux, les fleurs ne fixent plus leur attention ; le palais n’affecte plus leur regard que dans le lointain ; mais les passions, mais les impressions que sentent., qu’ex. priment deux amans brûlés de tous les feux de l’amour, voilà ce que nos artistes s’efforcent de représenter, & ce que le poëte, dont j’ai tiré cette image sensible, a si admirablement deviné & colorié, que le peintre d’histoire peut croire avoir travaillé d’après la nature en le copiant.

Mais si quelqu’artiste, à la vue de cette scène, ne fait pas son objet presqu’unique de la beauté portée au degré le plus parfait dans les deux sexes & ornée des graces qu’anime l’amour & que nuance la volupté, il ne sera qu’un peintre foible du premier des genres. Il paroîtra inférieur encore à l’ambition qu’il a montrée, si, suivant les différentes circonstances que le poëte a fait succéder l’une à l’autre, il ne parvient pas à exprimer les inquiétudes d’Armide, quittant son amant, sa douleur en apprenant qu’il la fuit, ses efforts pour courir après lui, pour l’arrêter, l’attendrir, le ramenr, & les nuances graduées du trouble, du désespoir & des fureurs qui l’agitent au plus haut dégré.

Si, porté à ne pas perdre de vue les accessoires d’un séjour enchanté, il entreprend d’en entretenir toujours l’idée dans l’esprit du spectateur, qu’il mette alors un art infini à faire que ces accessoires ne détournent pas de l’objet plus intéressant qu’il doit offrir ; mais si toutes ces difficultés l’effrayent, qu’il retourne sur ses ; pas & qu’il s’attache aux objets particuliers dont j’ai parlé, en choisissant celui qui convient le mieux à ses dispositions. Jeune, artistes, il est important, surtout que vous n’atten-


diez pas trop tard à prendre ce parti ; car si vous ne vous fixez à un genre, qu’après avoir essuyé longtems les dégouts que causent les difficultés de l’histoire & le peu de succès que vous y aurez eu, il sera fort incertain qu’un pis-aller produise jamais un talent du premier ordre.

J’augurerai bien mieux de votre réussite, si vous vous êtes senti, dès vos premières années, entraînes par votre caractère ou un penchant marqué à quoique genre que ce soit, surtout si vous vous montrez assez modestes pour vous résigner aux volontés de la nature.

Un mérite d’originalité distinguera alors vos ouvrages, tandis que, si vous êtes décidés par pis-aller, le caractère de la médiocrité annoncera la cause de votre choix ; car il sera difficile qu’on ne remarque pas dans vos ouvrages une incertitude & une foiblesse qui vous fera toujours rejetter des premiers rangs de ce genre, auquel vous vous serez livré, ne pouvant mieux faire.

Il est bien à présumer qu’aux premiers momens où Sneyders, Desporte, Wanhuysum, Panini, le Lorrain ont commencé à peindre de préférence, les animaux, les fleura, le paysage, l’architecture, ils ont senti & ont fait remarquer que la nature les avoit destinés à leur genre, en leur donnant tous les signes d’une véritable vocation.

Soyez donc certains qu’on connoit, parmi le nombre infini de peintres de genre, ceux qui sont placés dans leurs emplois par la nature ; comme parmi les comédiens, en distingue ceux qui sont nés pour les personnages qu’ils y remplissent avec un succès inspiré,. d’avec ceux qui, après avoir essayé de faire les rois, sont réduits de degrés en degrés à faire les rôles subalternes, qu’ils ne remplissent que pour doubler les premiers talens qu’ils imitent mal.

Il en est ainsi dans les lettres, où l’on voit des auteurs s’essayer dans les genres les plus nobles, & ne pouvant composer des poëmes, le réduire à des madrigaux.

Il en seroit ainsi dans les emplois dont les hommes se trouvent chargés ou se chargent avec trop de confiance dans la société, si la vanité, l’amour propre & surtout l’intérêt n’y retenoient ceux qui souvent en sont les moins capables.

Ne rougissez donc pas de vous consacrer à un genre, si vous en avez le talent ; mais quittez les pinceaux & prenez une profession honnête qui ne demande pas les talens & les dispositions qu’exigent les arts libéraux, si vous êtes réduits à essayer tous les genres, pour en choisir un que vous pratiquerez médiocrement.

Au reste, je ne veux laisser échapper aucune occasion de vous dire, que si vous peignez