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possédoit trop foiblement la manœuvre, c’est qu’il a gravé un très-grand nombre de tableaux du Poussin. Il avançoit beaucoup les estampes à l’eau-forte. Ses travaux d’Hercule, qui sont légers d’ouvrage, offrent une bonne disposition de tailles.

(82) Nicolas Berghem, dont le vrai nom étoit Klaas, naquit à Harlem en 1624, & est mort en 1683. Il est célèbre comme peintre de paysages, mais il peut être compté entre les bons graveurs à l’eau forte, & peut servir de modèle pour la gravure des animaux.

(83) Carle Maratte, né à Camerano en 1625, mort à Rome en 1713, célèbre peintre d’histoire, a gravé d’une pointe assez maigre. Ses estampes n’ont guère que le mérite de propager quelques-unes de ses compositions.

(84) Corneille Vischer, graveur Hollandois, florissoit vers 1660. Il étoit élève de Soutman. Les animes semblent s’accorder à lui adjuger la palme de la gravure. Il est impossible de mieux peindre avec la pointe & le burin, de mieux accorder ces deux instrumens, de les faire contraster plus hardiment entr’eux, de mieux imiter avec le burin par le badinage pittoresque de l’eau-forte. Ses estampes les plus recherchées sont celles qu’il a gravées d’après lui-même ; car il étoit bon dessinateur, ou plutôt il étoit toujours peintre, soit qu’il maniât le crayon, la pointe ou le burin, ces ouvrages les plus célèbres l’en : le portrait de Gellius de Pouma, qu’on appelle l’estampe à la grande barbe, la fricasseuse, le marchand de mort aux rats, la Bohémienne, le char. On admire dans la Bohémienne l’opposition de ce que l’eau-forte a de plus brut avec ce que !e burin a de plus brillant. Le portrait de Bouma est plus étonnant encore. Les travaux font savamment & hardiment pris & abandonnés pour suivre le plan des chairs de ce vieillard. Les tailles qui peignent l’enchassement des yeux, & celles qui forment les yeux eux mêmes sont d’un choix & d’une perfection dont il seroit difficile d’offrir un second exemple. Les différens plans du nez offrent de la chair véritable, & cette chair est de l’âge que devoir avoir le modèle. La bouche, en grande partie cachée par la barbe, est d’une touche juste ; on y reconnoît d’autant plus d’art qu’elle en montre moins. La barbe blanche semble avoir été faite en jouant, & de ce jeu a résulte la plus singulière vérité ; en la regardant à une distance convenable, on croit en voir les poils. L’habit est gravé au burin comme l’estampe entière ; mais le travail en est remblotté comme celui de la peinte : le ton, la touche, l’ordre des plis font reconnoître l’étoffe du manteau, sans que l’artiste ait employé aucun des moyens auxquels les graveurs ont ordinairement recours pour exprimer des étoffes de soie ; on remarque même, en regardant les tailles de près, qu’elles sont négligées, assez inégales entr’elles, & qu’elles ont même un tremblement de pointe, sorte de travail qui sembleroit ne devoir exprimer que des étoffes grossières. Mais toutes les sortes de travaux, conduits par son intelligence, prenoient sous sa main tous les caractères qui lui convenoient, & c’est en évitant par-tout l’apparence de l’art, qu’il est parvenu au comble de son art.

Il eut deux frères ; Jean qui a gravé d’après Berghem & d’après Van-Ostade ; il allioit aussi l’eau-forte au burin, mais avec un succès très-inférieur ; & Lambert, qui fit le voyage d’Italie, travailla avec Bloemaert, & grava d’une manière assez semblable à celle de cet artiste. C’est ce qu’on peut reconnoître dans ses estampes d’après Pierre de Cortone.

(85) Joseph-Marie Mitelli, graveur Italien, a publié d’après les plus grands maîtres de l’école de Bologne des recueils qui lui méritent de la réputation. Il gravoit à l’eau-forte avec esprit, & d’un bon caractère de dessin. Quoique sa pointe soit un peu maigre, il est digne d’estime, même en qualité de graveur, par l’intelligence avec laquelle il établissoit ses travaux. Sa gallerie d’Enée, d’après Annibal Carrache, fut publiée en 1663, & il donna en 1679 douze estampes d’après les plus grands maîtres Bolonnois. Mitelli passe pour être le premier qui ait publié de semblables recueils. C’est à lui que l’on doit l’estampe italienne de la nuit du Corrège. Ce tableau a été gravé depuis avec plus d’effet, mais peut-être avec moins de caractère, d’esprit & de grâce, dans la gallerie de Dresde.

(86) Jean Morin, né à Paris, & mort vers 1660, étroit élève de Champagne, & se consacra d’abord à la ceinture. Il imagina de graver les chairs avec des points faits à l’eau-forte Comme il avoit le bon goût de rappeller des travaux du même genre dans les tailles de draperies, & des fonds, qu’il gravoit également a la pointe, ses travaux étoient d’accord entr’eux. Il a sur-tout gravé des portraits fort estimables, & qui font justement appréciés par les artistes ; mais on ne le donne pas pour modèle.

(87) Jean Boulanger. vivoit en même tems que Morin, mais il étoit plus jeune : nous le mettons à côté de cet artiste, parce qu’il s’avisa aussi, pour donner plus de douceur & de moelleux aux chairs, de les graver avec des points. Mais Morin faisoit ces points à l’eau-forte, & Boulanger les établissoit au burin. Comme il gravoit les autres parties du tableau d’un burin souvent assez dur, ce contraste de mollesse & d’une excessive fermeté, produisoit un effet vicieux. En général ses estampes manquent d’accord dans les tons & dans les travaux.