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Cette gravure diffère entièrement de celle »I burin ou à l’eau-forte par fes procédés & par fes effets. Au lieu que dans ces deux manières on paffe de la lumière aux ombres, donnant peu à peu de la couleur & de l’effet à fi planche ; dans la manière noire au contraire on pafle des ombres aux lumières , & peu à peu on éclaircit fa planche. Ee cuivre d’une manière noire eft tellement préparé que le fond y eft totalement noir. On y trace fon fujet , & :avec des inftrumens propres à ce genre de gravure, on enlève peu à peu le fond, fuivant les places & en proportion du plus ou du moins de lumière qu’on veut répandre fur fon eftampe. Cette manière de graver eft prefque toujours molle , & ne peut guère bien rendre que les chairs &les draperies , fût-elle même entre les mains d’un excellent artifte.

Elle eft en quelque façon la bafe d’une manière de graver en couleurs qui fut découverte vers l’année 1730 par Jacques le Blond ; il en commença les effais en Angleterre , & vint enfuite en France , où il grava avec quelque fuccès des portraits de grandeur naturelle. Il nous a donné une defcription détaillée de (a manœuvre que nous ferons conr.oîrre dans le dictionnaire de la pratique. On paroît avoir abandonné cette façon de graver qui avoit les défauts qu’on reproche à la manière noire , & dont l’exécution n’a jamais répondu à ce que l’auteur s’en promettoit.

Nous avons quelques eftampes de J. Lutma qu’il intituloit du nom d’ouvrages au maillet , opus mallei ; il paroît par le titre de ces eftampes gravées en points , que l’auteur fe fervoit d’un petit marteau pour enfoncer dans le cuivre la pointe avec laquelle il gravoit ; c’eft fans doute à cette manière que nous devons celle à l’imitation des deffins au crayon ou à la fanguine , qui fut portée à fa perfection , il y a quelques années, par Demarteau l’aîné & fon neveu. Pour accélérer le travail , lui donner plus de liberté & une touche plus large que ne faifoit Lutma avec une feule pointe , on a imaginé des inftrumens dont la face inférieure eft hériffée de pointes l’aillantes , plus ou moins diftantes , plus ou moins fines : ces inftrumens , qui font l’effet d’un faifceau de pointes jointes enfemble , font de différentes formes ; plufieurs font difpofés en roulette , de forte qu’on peut les faire mouvoir & les rouler dans tous les fens en appuyant fur fon cuivre, ce qui donne la facilité d’y tracer librement les hachures , & d’imiter parfaitement la grainure & le mcè’leux d’un deffin à la fanguine. On fe l’en ordinairement de l’eau - forte pour ébaucher , puis on retouche avec les mêmes inftrumens pour donner l’accord & adoucir fon travail.

On appelle gravure pointillée une manière G R A 3^ ;

de graver fort reffetnblante à celle de J. Lutma & de Demarteau ; c’eft un compofé de points & de tailles , mais dans lequel les points dominent , & font employés ordinairement pour faire les chairs & les fonds ; on peut fe fervir de l’eau -forte , ou ne s’en pas fervir. Jean Boulanger, graveur François du fiècle dernier, nous a laifle quelques eftampes en ce genre , qui font aflez bien faites , mais d’une touche froide & molle en général. Depuis quelques années cette manière de graver eft devenue fort à la mode fur-tout en Angleterre ; elle y a été portée au plus haut point de perfection par le malheureux W m Ryland, Se fur- tout par le célèbre F. Bartolozzi , artifte Italien. Elle ne pouvoit manquer de plaire entre les mains de ce dernier , dont les talens en deffin Se ea gravure font au-deffus de tous éloges. On s’eft avifé dans ces dernières années de faire imprimer en couleurs les planches gravées dans cette manière. Le fuccès de ces eftampes , faites pour les demi-connoiffeurs feulement, dépend de la vivacité des couleurs , de leur bon accord , & de l’intelligence réunie du graveur & de l’imprimeur , & de ce dernier fur-tout. C’eft l’imprimeur qui prépare fes couleurs Se les détrempe à l’huile •, c’eft lui qui les couche fur les différentes parties de la planche , Se qui enfuite les fait paffer fous fa preffe ; mais en général ces eftampes font d’un effet beaucoup plus foible que celles qui font imprimées à une feule teinte rouge ou brune ; elles font prefque toujours médiocrement imprimées : enfin on y voit beaucoup moins le talent du graveur que fi elles netoient pas ainfi colorées. Nous ne craignons pas d’ajouter que les couleurs s’effacent & s’évaporent avec le temps , Se qu’il ne refte , après quelques années, que des traces bien foibles de ces teintes colorées, qu’on peut bien appeller du nom d’enluminures.

On a auffi imité, par la gravurû, les deffins an lavis. Il y a plufieurs procédés différens pour réuflïr dans cette manière nouvelle ; le plus ufité eft de laver fur le cuivre par un procédé particulier , avec l’eau - forte Se le pinceau , comme on lave un deffin fur le papier avec du biftre ou de l’encre de la chine. Les eftampes gravées dans cette manière par un bon peintre ou un bon deffinateur peuvent être regardées comme autant de deffins originaux ; car elles en ont toute la liberté , toute la touche, enfin tout le mérite. Telles font celles qu’a gravé J ; B. Leprince , qui a porté cette découverte auflï loin qu’elle pouvoit aller. On a quelquefois imité les deffins au lavis par un travail pointillé infiniment précieux , & d’un extrême fini ; mais cette imitation , étant en quelque façon fervile , n’a été employée avec fuccès que pour graver de l’architecture. Les cinq ordres D d d ij