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& c’eft par cette route- qu’ils par vinrentà faire un choix. Us s’étudièrent à écarter de la nature divine toutes les parties qui marquent la foiblefle de l’humanité. Us formèrent à la vérité leurs Dieux d’après l’image de l’homme , parce que c’étoit la figure la plus noble & la plus parfaite qu’ils connuflent ; mais ils cherchèrent à les exempter des foiblefles & des besoins de l’humanité -, & c’eft ainfi qu’ils parvinrent à la beauté.

■ Enfuite ils découvrirent par degrés un être mitoyen entre la nature divine & la nature de l’homme ; & : c’eft en réunifiant ces deux idées qu’ils imaginèrent la figure de leurs héros. L’art atteignit alors à fon plus haut degré de perfection ; car par ces deux natures différentes , la divine & l’humaine , ils trouvèrent suffi dans les formes & dans les attitudes toutes les expreffions caractériftiques du bon & du mauvais. D’après ces réflexions & ces comb :naifons, ils parvinrent à connoître les acceffoirë’s , tels que les draperies, les animaux , &c. Cependant ils n’eftimèrent chacunedeces parties que fuivant fa valeur , auffi long-temps que l’art fut exercé par de grands génies. Mais lorfqu’il fut dérigé par des âmes étroites & vénales , & que ce ne furent plus les philolbphes , mais les riches & les rois qui en furent les juges , ils s’occupèrent peu à peu des petites parties , & des objets inférieurs de la nature , jufqu’à ce qu’enfin ils composèrent des chimères bizarres , dont l’exiftence eft irapofïïble , ce qui produifit les bambochades & le genre grottefque. Depuis ce temps , l’art ne fut plus dirigé par le jugement, mais fe trouva abandonné au haïard.

Ce goût d’œil général fur l’art des Crées peut fuffire ici. Nous traiterons ailleurs cet objet avec plus d’étendue. ( Article entrait des Réflexions fur la beauté & fur le goût dans la peinture , par Mengs ).

GRÊLE (adj.) Cette figure eft trop grêle, ce membre eft grêle. On entend par ce mot , qui vient du latin gracilis , le vice voifin delà bonne qualité qui s’exprime par le mot fvelte. C’eft en effet en cherchant à être fvelte & léger qu’on tombe dans le grêle , c’eft-à-dire , d’ans la maigreur-, qui eft un défaut dans l’art comme dans la nature , à moins que l’artifte ne foit conduit par fon fujet à représenter une nature déoourvue de l’embonpoint qui accompagne la fanté.

Le grêle eft ordinairement accompagné de roidenr , parce que l’artifte qui, voulant parvenir à la légèreté , ôte aux différentes parties plus qu’il ne devroit faire pour les rendre conformes à là nature-élégante , perd ces lignés ondoyantes qui expriment le mouvement. Ainfile gothique G R I

eft ordinairement roide & grêle. ( Article it M. Levés que. )

GRIGNOTÉ (part.) GRIGNOTIS ( fubft. maie. ) Ces mots ne font en ufage que dans l’art de la gravure. Ces travaux font agréablement grignotes ; le grignotis convient mieux pour rendre de vieilles mafures que des travaux plus fermes.

Des tailles courtes & tremblées, interrompues par des points de toutes les formes , & par tous les travaux capricieux que peut créer une pointe badine , conftituent le grignotis. Il eft propre à rendre les terraffes, les vieux édifices, les chaumières , les pierres couvertes de moufie , les étoffes groffières & velues, & en général les fubftances dont la furface offre une apparence de molefle. C’eft la pointe qui s’acquitte avec le plus de fuccès de ce travail libre & ragoûtant : cependant Corneille Wificher , Bolfwert & même Albert-Durer ont fu forcer le burin à grignoter certaines parties de leurs planches avec un goût exquis. ( Article de M. Levesque. )

GRIMACE ( fubft. fém. ) Je regarde comme trop eïfentiel pour l’intérêt de l’art de recommander la fimplicité d’expreflion & de caractère dans les imitations de la nature, pour ne pas faifir l’occafion d’infifter fur ce précepte, à l’occafion d’un mot dont on aura d’autant plus de droit de felérvir dans le langage des arts qu’ilss’éloigneront plus de la véritable perfection. Artiftes qui voulez plaire & toucher , perfuadez-vous bien que les figures peintes qui grimacent peur paraître avoir du caractère , des grâces , ou pour montrer de l’expreffion , font aufîi rebutantes aux yeux des fpectateurs, que les hommes qui fe montrent faux & qui mentent, même par exagération de fentimens, font odieux aux âmes franches & honnêtes. Me direz-vous que la plupart des expreflions que vous voulez étudier dans la l’ocicté font ou feintes , ou exagérées , que prefque tout ce qu’on y appelle grâce, & fouvent fenfibilité, eft affect ation & grimace ? Ce font des lieux communs malheureufement trop vrais : ce font de plus, il faut en convenir, des obftacles aux progrès de vos arts. Il faut les connoître , &, fans perdre le tems à vous en plaindre , mettre vos efforts à les fUrmonter.

Réfléchiflez donc fur ce fujet plus fouvent encore que vous n’obfervez. Pénetrez-vous des fujets que vous traitez : ne vous dégoûtez pas de la folitude -, defeendez en vous-même pour y retrouver (fi votre ame a confervé fa franchife ) les grâces naïves & les fentimens vrais. Des intérêts, fouvent mal-entendus, conduifent les hommes à fe tromper par des appa/ences quelquefois mal-adroites & : par des exagérations